Dans un geste controversé, Donald Trump a signé jeudi 17 avril 2025 un décret visant à réautoriser la pêche commerciale dans le Pacific Remote Islands Marine National Monument (PRIMNM), l'un des plus vastes sanctuaires marins de la planète. Cette décision fait partie d'une série de mesures de dérégulation environnementale engagées depuis son retour à la Maison-Blanche en janvier dernier.
Situé au sud-ouest de Hawaï, ce sanctuaire marin s'étend sur plus de 1,2 million de kilomètres carrés, une superficie presque deux fois supérieure à celle du Texas. Il constitue un refuge vital pour des centaines d'espèces marines, dont plusieurs sont endémiques et menacées d'extinction.
La création de cette zone protégée remonte au 6 janvier 2009, sous l'administration de George W. Bush. Elle a ensuite été considérablement agrandie par Barack Obama le 25 septembre 2014, qui a multiplié sa taille par six. Jusqu'à présent, la pêche commerciale ainsi que l'extraction de ressources minières y étaient strictement interdites, seules la pêche traditionnelle et de loisir y restant autorisées.
Un écosystème marin d'une richesse exceptionnelle
Le PRIMNM est composé de sept territoires isolés : les îles Baker, Howland et Jarvis, les atolls Johnston, Wake et Palmyra, ainsi que le récif Kingman. Ces zones constituent des sanctuaires pour de nombreuses espèces endémiques, notamment des coraux, poissons, crustacés, mammifères marins, oiseaux, insectes et plantes.
Parmi la faune protégée, on trouve les tortues vertes et imbriquées, les huîtres perlières, les bénitiers géants, différentes espèces de requins de récif, de mérous, de labres Napoléon, de perroquets à bosse, ainsi que plusieurs types de dauphins et de baleines. Les îles et atolls servent également de sites de nidification essentiels pour de nombreuses espèces d'oiseaux marins.
En raison de leur isolement et de leur fragilité écologique, l'accès à ces îles est actuellement strictement réglementé, généralement limité aux scientifiques et aux personnels autorisés. Ce statut en fait des laboratoires naturels particulièrement précieux pour l'étude des écosystèmes marins et des effets du changement climatique.
Les justifications économiques avancées par Trump
Pour justifier sa décision, le président américain affirme que l'interdiction de pêche commerciale dans cette zone "désavantage les pêcheurs commerciaux honnêtes des États-Unis" en les poussant "à pêcher plus loin au large dans les eaux internationales pour rivaliser avec des flottes étrangères mal réglementées et fortement subventionnées". Donald Trump soutient également qu'"une pêche commerciale correctement gérée ne mettrait pas en danger les objets d'intérêt scientifique et historique" protégés par le sanctuaire.
Cette décision s'inscrit dans une politique plus large de dérégulation environnementale assumée par l'administration Trump, qui a déjà remis en question plusieurs normes écologiques depuis son retour au pouvoir le 20 janvier dernier. Le président, ouvertement climatosceptique, justifie ces mesures comme étant nécessaires pour stimuler l'économie américaine.
Selon les analystes, d'autres sanctuaires marins américains pourraient voir leur statut menacé dans les prochains mois, notamment le Monterey Bay National Marine Sanctuary (Californie) et le Florida Keys National Marine Sanctuary (Floride), qui protège le seul récif corallien vivant des États-Unis continentaux.
Un contraste frappant avec les efforts internationaux de protection marine
Cette décision intervient à un moment où la communauté internationale renforce ses efforts pour protéger la biodiversité marine. Le 14 avril 2025, soit trois jours avant la signature du décret de Trump, la Commission préparatoire pour l'entrée en vigueur de l'Accord sur la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale (dit "Accord BBNJ") a entamé ses travaux au siège de l'ONU à New York.[1]
Cet accord international, qui a pour objectif d'assurer la préservation de la biodiversité et l'utilisation durable des écosystèmes en haute mer, attend actuellement sa 60e ratification pour entrer officiellement en vigueur. En avril 2025, 21 pays l'ont déjà ratifié, dont la France qui est devenue en novembre 2024 le premier pays de l'Union européenne à le faire au niveau national.
Par ailleurs, plusieurs initiatives internationales témoignent d'une prise de conscience croissante de l'importance de préserver les écosystèmes marins. La France se prépare notamment à accueillir en juin 2025 la troisième Conférence des Nations Unies sur l'Océan à Nice, qui réunira plus de 120 chefs d'État et 20 000 délégués pour aborder les grands enjeux de la protection marine.[2]
La décision du président américain risque donc de créer des tensions diplomatiques à l'approche de ces rendez-vous internationaux majeurs pour la protection des océans, et soulève des inquiétudes quant à la cohérence des efforts mondiaux de conservation marine face aux intérêts économiques nationaux à court terme.