Fransylva lance une ligne d'urgence contre le pillage des forêts françaises

Alors que la France fait face à une recrudescence des vols de bois dans ses forêts privées, l'initiative lancée cette semaine par la fédération Fransylva commence à porter ses fruits. La "ligne d'urgence" mise en place mardi dernier pour signaler les coupes illégales et les escroqueries en forêt a déjà reçu plusieurs dizaines d'appels, confirmant l'ampleur d'un phénomène qui menace gravement notre patrimoine forestier.

Les forêts privées, qui représentent 75% des 17 millions d'hectares de la forêt française métropolitaine et sont détenues par quelque 3,5 millions de propriétaires, sont particulièrement vulnérables face à ces actes de pillage. Ces vols sont considérés comme une menace pour le renouvellement forestier, la biodiversité et la capacité des forêts à stocker du carbone, trois enjeux majeurs dans la lutte contre le changement climatique.

Un fléau aux conséquences environnementales graves

Les témoignages recueillis par la ligne d'urgence font état de véritables dommages : des chênes centenaires abattus sans méthode, des sols piétinés, des arbres survivants blessés... Les conséquences de ces pillages vont bien au-delà de la simple perte économique pour les propriétaires. Ces coupes sauvages compromettent le renouvellement naturel de la forêt, les arbres étant souvent abattus avant d'avoir pu fructifier et assurer un nombre suffisant de repousses.

Les pillages concernent particulièrement le chêne, essence dont la valeur a considérablement augmenté ces dernières années, passant en moyenne de 64 euros le m³ en 2020 à 94 euros en 2022, avant de redescendre légèrement à 84 euros en 2023. Cette hausse des prix alimente un trafic international, le bois volé étant souvent rapidement expédié vers des ports européens comme Anvers, puis acheminé vers l'Asie.

Dans certains cas, le préjudice peut atteindre plusieurs centaines de milliers d'euros. Mais au-delà de l'aspect financier, c'est aussi un traumatisme pour les propriétaires qui se sont vu confier une parcelle depuis des générations, ce qui les dissuade parfois de porter plainte.

Une triple réponse face à une triple menace

La fédération Fransylva distingue trois types de vols contre lesquels elle entend lutter grâce à son nouveau dispositif. Premièrement, le vol par escroquerie, où un acheteur malveillant cible des propriétaires vulnérables, souvent âgés, pour leur acheter du bois à un prix dérisoire. Deuxièmement, le vol par dépassement de limites, où un escroc achète légalement une petite parcelle mais en profite pour piller celles des alentours. Enfin, le vol en bande organisée, impliquant un repérage minutieux des parcelles cadastrales, en ciblant prioritairement celles dont les propriétaires sont absents.

Face à ces menaces, la ligne d'urgence mise en place par Fransylva répond à un triple objectif : aider les propriétaires victimes dans leurs démarches, documenter l'ampleur du phénomène à l'échelle nationale, et sensibiliser les pouvoirs publics à la nécessité d'une réponse pénale plus adaptée. Le numéro (01.47.20.90.58) est désormais accessible à tous les propriétaires forestiers souhaitant signaler un vol ou une tentative d'escroquerie. Un formulaire de signalement est également disponible sur le site de la fédération [1].

Cette ligne d'urgence représente une première étape dans la lutte contre le pillage des forêts, mais une mobilisation plus large des pouvoirs publics est jugée nécessaire. Des propositions incluent notamment un regroupement des petits propriétaires forestiers – plus de deux millions d'entre eux possèdent moins d'un hectare – afin d'adopter des plans de gestion simples permettant de mieux valoriser et surveiller les bois.

Des mesures gouvernementales attendues

En parallèle de cette initiative, Fransylva appelle le gouvernement à créer une cellule dédiée sur tout le territoire mobilisant le renseignement, les forces de l'ordre et les douanes pour lutter plus efficacement contre ces pillages organisés. La fédération plaide également pour un alourdissement des sanctions pénales, notamment des amendes, face au constat que les plaintes déposées donnent rarement lieu à une réparation satisfaisante pour les propriétaires floués.

Ces demandes s'inscrivent dans un contexte où la forêt française est reconnue comme un atout majeur dans la lutte contre le changement climatique. Avec un volume de bois sur pied d'environ 2,8 milliards de m³, la France possède le troisième stock de bois européen derrière l'Allemagne et la Suède. Ce patrimoine joue un rôle crucial dans la séquestration du carbone et la préservation de la biodiversité, deux enjeux au cœur des engagements climatiques de la France.

Les premières réactions officielles à cette initiative devraient intervenir prochainement, le ministère de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire ayant été saisi du dossier. Une réunion de concertation entre Fransylva et les services de l'État est prévue la semaine prochaine pour étudier les mesures qui pourraient être mises en œuvre rapidement.

Cette mobilisation pour protéger nos forêts intervient alors même que l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) vient de publier son rapport 2025 sur l'état des forêts du monde, soulignant l'importance cruciale des forêts tempérées dans l'atténuation du changement climatique [2]. Un rappel opportun que la préservation de notre patrimoine forestier n'est pas seulement un enjeu national, mais s'inscrit dans une stratégie mondiale de lutte contre le dérèglement climatique.