Une nouvelle analyse publiée ce mercredi 21 mai 2025 révèle que la destruction des forêts tropicales a atteint un niveau sans précédent en 2024, principalement en raison d'incendies catastrophiques alimentés par le changement climatique. Ce rapport alarmant, produit par le laboratoire GLAD de l'Université du Maryland et rendu disponible sur la plateforme Global Forest Watch de l'Institut des Ressources Mondiales (WRI), marque un tournant majeur dans la compréhension de la déforestation mondiale.
Selon les données satellitaires analysées, la perte de forêts tropicales primaires a atteint 6,7 millions d'hectares en 2024, soit près du double de la superficie perdue en 2023 et une zone comparable à celle du Panama. Cette destruction s'effectue au rythme effarant de 18 terrains de football chaque minute, établissant un nouveau record depuis le début des mesures il y a plus de vingt ans.
Les incendies deviennent le premier facteur de déforestation
Pour la première fois depuis le début des enregistrements, les incendies - et non l'agriculture - ont été la principale cause de destruction forestière tropicale, représentant près de 50% de toutes les pertes. Les feux ont détruit cinq fois plus de forêts tropicales primaires en 2024 qu'en 2023, bouleversant les tendances historiques où l'agriculture était traditionnellement le principal moteur de déforestation.
Bien que les incendies soient naturels dans certains écosystèmes, ils sont principalement d'origine humaine dans les régions tropicales, souvent allumés pour défricher des terres à des fins agricoles. Cependant, les conditions extrêmes de 2024 - année la plus chaude jamais enregistrée - aggravées par le changement climatique et le phénomène El Niño, ont rendu ces feux plus intenses et difficiles à contrôler [1].
Au total, ces incendies ont émis 4,1 gigatonnes de gaz à effet de serre, soit plus de quatre fois les émissions de tous les voyages aériens en 2023, créant ainsi une dangereuse boucle de rétroaction climatique qui risque d'accélérer davantage le réchauffement planétaire.
L'Amérique latine particulièrement touchée
Le Brésil, qui doit accueillir la conférence mondiale sur le climat COP30 en novembre prochain, a enregistré la plus grande perte de forêts tropicales en 2024, avec 2,8 millions d'hectares de forêts primaires perdus. Ces pertes, dont deux tiers sont attribuées aux incendies, ont été alimentées par la pire sécheresse jamais enregistrée dans la région amazonienne. Malgré les efforts du président Lula pour renforcer la protection des forêts depuis son retour au pouvoir, cette crise environnementale représente un défi majeur pour le pays.
La Bolivie a connu une situation encore plus dramatique avec un triplement des surfaces forestières détruites par rapport à l'année précédente, devenant ainsi le deuxième pays le plus touché, dépassant la République démocratique du Congo. La sécheresse extrême, les feux de forêt géants et l'expansion agricole ont contribué à cette augmentation spectaculaire de 200% des pertes forestières.
D'autres pays d'Amérique latine comme le Mexique, le Pérou, le Nicaragua et le Guatemala ont également connu des tendances similaires, faisant de cette région l'épicentre de la crise forestière mondiale de 2024.
Une crise qui s'étend au-delà des tropiques
La destruction forestière ne s'est pas limitée aux régions tropicales. Au total, la perte de couverture forestière mondiale a augmenté de 5% par rapport à 2023, atteignant 30 millions d'hectares perdus, une superficie comparable à celle de l'Italie [2].
Les forêts boréales du Canada et de Russie ont également subi d'importants dommages, avec une perte record de 52 millions d'hectares due à des incendies incontrôlables. Bien que ces écosystèmes soient naturellement adaptés aux feux saisonniers, les conditions climatiques changeantes ont rendu ces incendies plus intenses et plus fréquents, laissant moins de temps aux forêts pour se régénérer.
Cette situation inquiétante marque également la première fois que des feux de forêt majeurs sévissent simultanément dans les forêts tropicales et boréales, soulignant l'ampleur mondiale de cette crise environnementale.
Malgré ce tableau sombre, certains pays ont réalisé des progrès notables. L'Indonésie a réduit ses pertes de forêts primaires de 11% grâce à des politiques efficaces de conservation et de gestion des incendies. De même, la Malaisie et le Laos ont enregistré des baisses significatives de la déforestation, démontrant que des initiatives gouvernementales appropriées, combinées à des efforts communautaires et du secteur privé, peuvent inverser la tendance même dans des conditions climatiques défavorables.
Les experts soulignent que cette destruction forestière sans précédent représente une "alerte rouge mondiale" qui nécessite une action immédiate de tous les pays, entreprises et individus soucieux de préserver une planète habitable. Les forêts, en particulier les forêts tropicales primaires, sont essentielles non seulement pour la biodiversité mais aussi comme puits de carbone critiques pour atténuer le changement climatique.
Alors que les dirigeants mondiaux se préparent à se réunir au Brésil pour la COP30 plus tard cette année, ce rapport souligne l'urgence de renforcer les engagements internationaux pour protéger les forêts et lutter contre le changement climatique, tout en augmentant significativement les financements dédiés à la conservation forestière.