Ce samedi 10 mai 2025, les militants d'Extinction Rebellion Cambridge, accompagnés de plusieurs organisations écologistes, ont organisé une cérémonie funéraire symbolique dans les rues de Cambridge au Royaume-Uni. Cette manifestation solennelle vise à marquer symboliquement "la mort" de l'objectif climatique de limitation du réchauffement à 1,5°C fixé par l'Accord de Paris en 2015, alors que les données scientifiques confirment que ce seuil a été franchi en 2024, bien plus tôt que prévu par les scénarios du GIEC.

La procession funèbre, qui a débuté en début d'après-midi, est menée par une cinquantaine de "Red Rebels", ces manifestants emblématiques du mouvement, vêtus de rouge écarlate et le visage peint en blanc, qui se déplacent dans un silence glacial. Le cortège transporte également un cercueil noir, symbolisant la disparition de l'engagement international le plus ambitieux en matière de lutte contre le changement climatique.

Une mise en scène frappante pour alerter l'opinion publique

Le parcours de cette procession a été soigneusement étudié pour maximiser la visibilité et l'impact de l'action. En traversant le centre-ville de Cambridge, le cortège s'est arrêté dans la galerie commerçante de Lion Yard, où une imposante bannière portant le message "Pas d'avenir sur une planète morte" a été déployée depuis le premier étage au passage des manifestants, créant un moment fort de cette mobilisation.

Outre Extinction Rebellion Cambridge, l'événement rassemble également des militants de Cambridge Greenpeace, Cambridge Stop the War et l'Organisation des Activistes Radicaux de Cambridge (ORCA). Cette coalition d'organisations montre la convergence des luttes environnementales et sociales face à l'urgence climatique, dans un contexte où la mobilisation citoyenne tente de palier l'insuffisance des actions gouvernementales.

La procession s'est conclue sur Christ's Pieces, un espace vert au cœur de la ville, où les participants se sont rassemblés pour écouter des discours, des poèmes et des chansons sur la crise climatique, certains exprimant leur deuil face à cette étape symbolique, d'autres appelant à une intensification des actions pour limiter le réchauffement futur.

Le dépassement du seuil des 1,5°C : un tournant dans la crise climatique

Cette manifestation intervient alors que les données scientifiques ont confirmé que la température moyenne mondiale a dépassé le seuil de 1,5°C au-dessus des niveaux préindustriels en 2024. Bien que les scientifiques considèrent qu'un dépassement doit être maintenu pendant une décennie ou plus pour être officiellement reconnu comme permanent, de nombreux experts estiment déjà que l'objectif de 1,5°C est "plus mort qu'un clou dans un cercueil", selon les termes repris par les organisateurs [1].

Ce dépassement survient seulement dix ans après la signature de l'Accord de Paris, qui avait fixé comme objectif de maintenir le réchauffement "bien en dessous" de 2°C, tout en poursuivant les efforts pour le limiter à 1,5°C. L'Organisation météorologique mondiale (OMM) avait confirmé en janvier 2025 que 2024 avait été l'année la plus chaude jamais enregistrée, avec une température moyenne mondiale environ 1,55°C au-dessus du niveau préindustriel [2].

Les dernières mises à jour climatiques de l'OMM pour la période mai-juillet 2025 prévoient des températures supérieures à la normale dans presque toutes les régions du monde, signalant que ce dépassement n'est pas un phénomène passager mais pourrait bien s'installer dans la durée, avec des conséquences dramatiques pour les écosystèmes et les sociétés humaines.

Un appel à l'action renforcée malgré le franchissement du seuil

Si la manifestation met en scène un deuil symbolique, son message principal est loin d'être défaitiste. Les organisateurs soulignent que "chaque fraction de degré de réchauffement que nous pouvons éviter sauvera des vies". Alex Martin, porte-parole d'Extinction Rebellion Cambridge, explique que cette cérémonie funéraire est née du "besoin de traiter l'immensité et la tristesse de ce moment", tout en créant un espace de réflexion collective sur la manière de répondre au défi qui se présente désormais.

Les militants insistent sur le fait que le dépassement du seuil de 1,5°C ne signifie pas la fin de la lutte climatique, mais au contraire une raison supplémentaire d'intensifier les efforts pour éviter un réchauffement encore plus catastrophique. Ils appellent à une transformation complète de la société pour éviter de franchir d'autres points de basculement climatiques, ce qui nécessite de s'opposer à des intérêts économiques et politiques puissants.

Le message des organisateurs est clair : les politiciens ont mis en danger les populations en permettant aux températures de franchir le seuil des 1,5°C seulement dix ans après l'engagement de Paris, et face à cette défaillance, c'est à la société civile de prendre le relais pour protéger les personnes et la planète, tant qu'il est encore temps d'éviter les pires conséquences du dérèglement climatique.

Cette action s'inscrit dans un contexte international où les ambitions climatiques des États restent insuffisantes pour respecter même l'objectif de 2°C, comme le montrent les derniers rapports sur les contributions déterminées au niveau national (CDN) dans le cadre de l'Accord de Paris. L'Union européenne, qui s'est engagée à réduire ses émissions d'au moins 55% d'ici 2030 par rapport à 1990 à travers son paquet "Ajustement à l'objectif 55", fait figure de bon élève sur la scène internationale, mais même ces efforts pourraient s'avérer insuffisants face à l'accélération du réchauffement [3].

Alors que les impacts du changement climatique se font déjà sentir à travers le monde - des incendies dévastateurs en Australie et aux États-Unis aux inondations catastrophiques au Pakistan et à Valence, en passant par les vagues de chaleur extrêmes en Europe - cette manifestation symbolique à Cambridge rappelle l'urgence d'une action climatique ambitieuse et immédiate, malgré le franchissement d'un seuil que beaucoup considéraient déjà comme critique pour l'avenir de notre planète.