La gratuité des transports publics peut-elle réellement réduire l'empreinte carbone des villes ?

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La gratuité des transports publics peut-elle réellement réduire l'empreinte carbone des villes ?

Introduction

Les villes d'aujourd'hui font face à un sacré problème : comment réduire leur empreinte carbone, particulièrement celle liée aux transports ? On sait tous que se déplacer quotidiennement en voiture produit beaucoup de CO2, et aggrave la pollution de l'air. Du coup, une idée fait son chemin : rendre les transports en commun gratuits pour pousser les gens à laisser leur voiture au garage ! Mais est-ce que ça marche vraiment, ou est-ce juste une jolie utopie ? Pour démêler le vrai du faux, on va regarder de près ce qu'est exactement la gratuité des transports publics, pourquoi certaines villes ont décidé de la tester, et quels effets réels elle a eus sur la pollution et le trafic automobile. On jettera notamment un œil à ce qu'ont vécu Tallinn, Dunkerque ou encore le Luxembourg après avoir franchi le pas. Enfin, on parlera des conditions nécessaires pour que cette gratuité serve vraiment à quelque chose en matière de réduction du carbone : fréquence des bus, qualité des métros, politiques urbaines ambitieuses… Bref, bienvenue dans cette plongée au cœur d'une solution séduisante, mais peut-être pas aussi simple qu'il n'y paraît !

31 %

Part des émissions de gaz à effet de serre en France liées au secteur des transports en 2019.

70 %

Pourcentage des émissions totales du secteur des transports attribuées au transport routier individuel en Europe.

3,3 millions de tonnes

Réduction annuelle estimée en émission de CO2 si toutes les villes européennes de plus de 100 000 habitants adoptaient la gratuité des transports publics.

85 %

Pourcentage de hausse de la fréquentation des transports publics depuis leur gratuité mise en œuvre à Dunkerque en 2018.

Introduction : contexte et enjeux climatiques des transports urbains

Aujourd'hui, dans le monde, plus de la moitié de la population vit en ville. Toute cette concentration urbaine entraîne évidemment des déplacements quotidiens massifs. Et qui dit déplacements dit transports ! Problème : le transport urbain est responsable à lui seul d'une grosse partie des émissions de gaz à effet de serre mondiales. Selon le GIEC, les transports représentent environ 15 % des émissions mondiales de CO₂, dont une grande partie provient directement des voitures et deux-roues motorisés utilisés en ville. Quand on parle d'empreinte carbone urbaine, le transport individuel motorisé est souvent l'un des grands coupables. Embouteillages, polluants atmosphériques comme les oxydes d'azote (NOx) ou les particules fines (PM2.5), bruit, consommation excessive d'énergie fossile... la liste des impacts nocifs est longue. La nécessité de repenser la mobilité en ville est donc urgente pour tenir les engagements climatiques, comme ceux pris lors de l'accord de Paris. L'objectif ? Réduire drastiquement l'utilisation des véhicules personnels polluants pour favoriser des solutions plus sobres, propres et durables. Une des pistes souvent avancées est justement la gratuité des transports publics, mais ce n'est pas aussi simple en pratique. Alors, cette gratuité peut-elle vraiment diminuer l'empreinte carbone des villes ? C'est ce qu'on va voir.

Définition et concept de la gratuité des transports publics

Historique et premières expériences

La gratuité des transports publics urbains n'est pas une idée totalement récente. Dès les années 1970, certaines villes américaines ont fait des tests ponctuels. Par exemple, à Seattle en 1973, pendant une période appelée Fare-Free Experiment, la ville a testé des bus gratuits sur quelques mois. Résultat ? Le nombre de passagers a fortement grimpé (+60 %), mais les coûts d'entretien et de sécurité aussi, poussant la ville à abandonner l'idée.

L'Europe est aussi entrée tôt dans le jeu : dans les années 1990, la commune belge d'Hasselt (environ 70 000 habitants) a rendu ses transports publics totalement gratuits dès 1997. En une dizaine d'années, elle a multiplié par 13 (!) le nombre de voyageurs, passant d'environ 331 000 passagers en 1997 à près de 4,5 millions en 2006. Mais faute de financements suffisants et face à des coûts qui explosaient, Hasselt a dû réintroduire progressivement des tarifs symboliques en 2014.

Un autre exemple intéressant : la ville d'Aubagne dans le sud de la France (47 000 habitants). En 2009, elle instaure la gratuité totale des transports publics sur son réseau. Résultat, dès la première année, la fréquentation des bus bondit de 70 %. Le nombre de voitures en circulation dans la ville diminue sensiblement, ce qui libère de l'espace urbain et réduit un peu les nuisances liées au trafic.

À plus grande échelle, Tallinn, capitale de l'Estonie (450 000 habitants), décide en 2013 de devenir la première capitale européenne à offrir des transports publics entièrement gratuits à ses résidents. La mesure visait à réduire l'utilisation de la voiture individuelle, mais les effets restent mitigés : la fréquentation des transports en commun a augmenté (+14 % dès la première année), mais l'impact sur la circulation automobile est resté faible (seulement -5 %).

Ces premières expériences montrent que la gratuité attire clairement davantage de passagers dans les transports publics, mais l'impact réel sur la pollution et le trafic dépend fortement du contexte local, de la taille des villes et des autres mesures prises en parallèle.

Objectifs principaux recherchés par la gratuité

L'un des buts essentiels de la gratuité, c'est clairement de réduire le nombre de voitures individuelles en circulation dans les villes. Moins de voitures signifie automatiquement une baisse des émissions polluantes, surtout du CO2, des particules fines et des oxydes d'azote (NOx). Mais ce n'est pas le seul objectif.

La gratuité vise aussi à rendre les villes plus accessibles à tout le monde, peu importe les revenus. Ça permet d’améliorer l'équité sociale, parce que le coût du transport peut représenter jusqu'à 10 à 15 % du budget mensuel des ménages modestes dans certaines agglomérations françaises.

Autre chose intéressante : en offrant gratuitement les transports publics, les municipalités espèrent augmenter leur fréquentation de façon spectaculaire. À Dunkerque, par exemple, la fréquentation a presque doublé les week-ends après la mise en place de la gratuité totale en 2018. L'idée, c'est de rendre les transports collectifs suffisamment attractifs pour modifier durablement les habitudes des gens.

Enfin, les villes cherchent souvent, par ce biais, à revitaliser leur centre-ville. Quand les transports publics deviennent gratuits, les gens viennent plus volontiers en centre-ville pour des achats, des sorties ou des événements culturels. À Niort, suite à l'instauration de la gratuité en 2017, certains commerçants ont observé une hausse notable de leur chiffre d'affaires.

Bref, au-delà du simple geste écologique, la gratuité des transports publics répond souvent à une stratégie urbaine globale : diminuer la pollution, améliorer la qualité de vie, renforcer le lien social, soutenir l'économie locale, et favoriser un cadre urbain plus agréable pour tous.

Impact observé de la gratuité des transports publics sur l'utilisation des véhicules privés dans différentes villes
Ville Pays Mise en place de la gratuité Effets observés sur les déplacements urbains et émissions carbone
Dunkerque France Septembre 2018 Augmentation de 85 % de la fréquentation des bus en semaine et réduction significative de l'usage de la voiture individuelle (-24 % d'émissions de CO₂ issues des transports urbains entre 2017 et 2019).
Tallinn Estonie Janvier 2013 Hausse modérée (+8 %) de la fréquentation du transport public mais réduction limitée de l'utilisation de la voiture privée et baisse mineure des émissions globales de CO₂ (environ 3 % en 3 ans).
Aubagne France Mai 2009 Doublement de l'utilisation du réseau de transport public local en quelques années, mais impact modéré sur la réduction de l'usage automobile (environ -10 % des déplacements automobiles quotidiens).
Luxembourg (national) Luxembourg Mars 2020 Léger effet positif sur la fréquentation des transports publics mais pas encore d'effet significatif démontré sur les émissions de CO₂ en raison de la pandémie de COVID-19.

État des lieux de l'empreinte carbone liée aux transports dans les villes

Principales sources d'émissions urbaines

Part relative du transport dans les émissions urbaines globales

Au niveau mondial, le secteur des transports urbains produit environ 20 à 25 % des émissions totales de gaz à effet de serre des villes. Bien sûr, ça varie selon les contextes locaux, mais c'est souvent la deuxième plus grosse source d'émissions urbaines juste après les bâtiments et l'énergie. Par exemple, à Paris, les transports représentent quasiment 30 % des émissions urbaines globales. À Londres, ce chiffre tourne autour de 25 %. En revanche, dans une ville nord-américaine typique comme Los Angeles, la part grimpe facilement à plus de 35 %, en grande partie à cause d'une dépendance massive à la voiture individuelle. La raison : un usage intensif des véhicules personnels, couplé à des systèmes de transports publics peu performants ou mal développés.

Ces chiffres traduisent une réalité claire : pour réduire sérieusement l'empreinte carbone des villes, impossible d'ignorer les transports. D'autant plus qu'il s'agit d'un secteur où les émissions continuent souvent d'augmenter contrairement à d'autres secteurs urbains qui tendent à se stabiliser ou à décliner légèrement grâce aux politiques locales. Même si les véhicules deviennent plus propres au fil des évolutions technologiques, l'augmentation du trafic urbain contrebalance en partie ces progrès. Autrement dit, sans action ciblée sur la mobilité urbaine, les objectifs de neutralité carbone des villes risquent d'être très difficiles à atteindre.

Émissions spécifiques liées aux véhicules individuels motorisés

En ville, les véhicules individuels motorisés émettent principalement du CO2, des oxydes d'azote (NOx) et des particules fines (PM2,5 et PM10). Une voiture essence moyenne rejette environ 120 grammes de CO2 par kilomètre parcouru, tandis qu'une voiture diesel tourne plutôt autour de 135 grammes par kilomètre (chiffres ADEME, 2020). Les émissions réelles, par contre, peuvent exploser dans le contexte urbain, à cause de l'accélération et du freinage constants, du trafic dense et des bouchons. Typiquement, en milieu urbain congestionné, les émissions réelles de CO2 et de polluants locaux peuvent être jusqu'à deux fois plus élevées que les valeurs officielles annoncées par les constructeurs automobiles (selon ICCT, International Council on Clean Transportation).

Les véhicules thermiques produisent aussi des émissions dites « fugitives », provenant de l'usure des pneus et des freins. Ça a l'air anodin, mais ces particules représentent environ 50 % des émissions totales de particules fines du trafic routier urbain (rapport OCDE, 2020). Problème bonus : même les véhicules électriques génèrent ce type d'émission.

Autre détail intéressant : les trajets courts sont particulièrement problématiques parce que le moteur froid tourne avec une combustion incomplète, ce qui augmente fortement les émissions polluantes. À titre d'exemple, sur les deux premiers kilomètres après un démarrage à froid, une voiture essence peut émettre jusqu'à 60 % de NOx et de CO en plus que lorsque le moteur est chaud (source ADEME).

Bref, ce n'est pas juste la quantité de voitures en ville qui pose problème, c'est surtout la manière dont on les utilise au quotidien : trajets courts, freinages et accélérations fréquentes, bouchons interminables. Tout ça cumulé, ça fait une bonne dose de pollution urbaine quotidienne.

Urbanisme Durable
Mobilité et Transports : Transports Publics Écologiques

10 %

Réduction constatée du trafic automobile à Tallinn après l'instauration de la gratuité des transports publics.

Dates clés

  • 1971

    1971

    Première expérience mondiale de gratuité des transports publics à Colomiers, en France, visant à réduire le trafic automobile et améliorer la qualité de vie urbaine.

  • 1997

    1997

    Mise en place de la gratuité des transports en commun dans la ville belge de Hasselt, qui devient l'un des exemples internationaux les plus cités de politique de mobilité urbaine durable (gratuité maintenue jusqu'en 2013).

  • 2013

    2013

    Tallinn, capitale de l'Estonie, devient la première capitale européenne à instaurer totalement la gratuité des transports publics pour ses habitants inscrits, afin de diminuer la congestion urbaine et la pollution atmosphérique.

  • 2017

    2017

    La ville de Dunkerque, en France, expérimente la gratuité des transports publics le week-end avant de généraliser totalement cette mesure à partir de 2018, enregistrant une hausse notable de la fréquentation des transports collectifs.

  • 2018

    2018

    Publication du rapport spécial du GIEC sur les conséquences d'un réchauffement planétaire de 1,5 °C, mettant en évidence l'urgence de réduire les émissions de gaz à effet de serre, notamment dans les secteurs des transports et de l'urbanisme.

  • 2020

    2020

    Le Luxembourg devient le premier pays au monde à rendre tous ses transports publics gratuits à l'échelle nationale, afin de réduire le trafic automobile, les émissions de gaz à effet de serre, et promouvoir une mobilité durable.

Cas d'étude : villes ayant expérimenté ou adopté la gratuité des transports publics

Tallinn, Estonie : impact sur le trafic automobile et qualité de l'air

En 2013, Tallinn est devenue la première capitale européenne à offrir les transports publics entièrement gratuits pour ses résidents. L'objectif principal était clair : réduire l'utilisation des voitures individuelles, qui représentaient une grosse partie du trafic quotidien dans la ville.

Alors, quel impact concret sur la circulation automobile ? Les études réalisées après l'introduction de cette mesure montrent que l'utilisation des transports publics a augmenté d'environ 14 %. Pourtant, côté trafic automobile, la baisse n’est pas aussi spectaculaire qu’on aurait pu l’espérer. Selon les données officielles, la diminution du trafic automobile dans le centre-ville n'a atteint que 5 à 6 %. Pourquoi si faible ? Parce que beaucoup des nouveaux usagers des transports publics étaient auparavant piétons ou cyclistes, ou bien ils utilisaient déjà ponctuellement les transports en commun.

Pour la qualité de l'air, les résultats sont mitigés aussi. Malgré la baisse modeste du trafic, Tallinn a enregistré une légère réduction des niveaux de polluants urbains, notamment les émissions d'oxydes d'azote (NOx) et les particules fines (PM10 et PM2.5). Mais ce changement positif reste modeste, loin du déclic environnemental attendu par certains.

Une leçon à retenir de Tallinn : la gratuité seule ne suffit pas à pousser massivement les automobilistes à lâcher leur voiture. Pour un vrai changement de comportement, il faut l'accompagner de mesures complémentaires, comme des restrictions à l'usage des voitures privées, un renforcement significatif du réseau de transport public et une politique urbaine globale plus écoresponsable.

Dunkerque, France : bilan carbone et fréquentation des transports en commun

Depuis septembre 2018, Dunkerque a généralisé la gratuité totale de son réseau de bus. Le résultat a été rapide : en seulement un an, la fréquentation des transports publics a bondi de 60 % en semaine et même de 140 % les weekends. Cette augmentation impressionnante concerne surtout ceux qui utilisaient auparavant leur voiture pour des trajets relativement courts (moins de 5 kilomètres).

Côté bilan carbone, les premières évaluations sont encourageantes. Une étude menée après un an par l'Agence d'Urbanisme de Dunkerque montre une baisse d'environ 10 % des trajets en voiture dans l'agglomération. Moins de voitures grâce aux bus gratuits, ça signifie moins d'émissions de gaz à effet de serre. À l'échelle de la ville, on a estimé cette baisse à environ 4 000 tonnes équivalent CO2 économisées chaque année. Ça semble modeste à première vue, mais c'est déjà une réduction significative à l'échelle locale.

Un autre bon point : l'amélioration de la qualité de vie en ville se ressent clairement. Moins de voitures veut aussi dire moins de bruit, moins de bouchons, et un air plus respirable. D'ailleurs, près de la moitié des nouveaux utilisateurs interrogés ont indiqué utiliser le bus pour des raisons de confort ou de praticité, pas seulement pour le coût zéro. Dunkerque montre ainsi que, pour réussir, la gratuité doit aller de pair avec un réseau efficace et des services qui répondent vraiment aux besoins locaux.

Luxembourg : effets nationaux d'une gratuité généralisée

Le Luxembourg est devenu en mars 2020 le premier pays au monde à rendre gratuits tous ses transports publics nationaux, bus, tramways et trains inclus. C'était une décision forte, prise surtout pour désengorger des routes saturées : environ 200 000 travailleurs frontaliers traversent quotidiennement les frontières du pays, ce qui génère un trafic monstre aux heures de pointe. En rendant les transports gratuits, le gouvernement espérait donc inciter les automobilistes à laisser leur voiture.

Mais concrètement, les résultats sont assez mitigés sur l'empreinte carbone. Un rapport gouvernemental datant de 2022 affirme que la gratuité a bien augmenté l'utilisation des transports en commun dans les grandes villes telles que Luxembourg-ville, mais sans provoquer de baisse significative du trafic routier national. Pourquoi ? Parce que beaucoup d'usagers qui prennent désormais le bus ou le train sont surtout d'anciens cyclistes ou piétons : pas forcément la cible recherchée au départ.

Côté chiffres, selon le Ministère de la Mobilité luxembourgeois, la circulation automobile n'a baissé que de 2 à 3 % au niveau national un an après l'instauration de la gratuité. Pas énorme, d'autant que les émissions de CO2 liées aux transports représentent toujours environ 60 % des émissions nationales totales. En clair, la gratuité seule ne suffit pas à pousser réellement les automobilistes à changer leurs habitudes.

Pourtant, un effet positif existe bel et bien : au-delà des chiffres décevants du trafic routier, la gratuité a clairement renforcé la prise de conscience écologique dans la société luxembourgeoise, tout en facilitant l'accès à la mobilité durable pour les revenus modestes ou les étudiants. C’est déjà ça de gagné.

Autres exemples internationaux notables

À Aubagne (France), depuis 2009, la gratuité totale des transports a permis une augmentation spectaculaire de 135 % de la fréquentation en seulement trois ans. Là-bas, la moitié des nouveaux usagers disent avoir laissé tomber la voiture pour privilégier les trajets gratuits en bus.

À Hasselt (Belgique), entre 1997 et 2013, la ville a testé la gratuité avec des résultats plutôt sympas : multiplication par dix du nombre de passagers en quelques années. Pourtant, à cause des coûts devenus trop lourds, ils ont finalement remis en place un tarif modéré en 2013.

En Pologne, la ville de Żory (environ 60 000 habitants) pratique la gratuité totale depuis 2014 pour encourager les déplacements moins polluants. Résultat : en seulement un an, les trajets effectués en voiture ont diminué de près de 10 %.

À Changning, une zone de Shanghai (Chine), une ligne d'autobus a été rendue gratuite en 2009 pour réduire les embouteillages et la pollution locale. En seulement quelques semaines, le nombre d'usagers a augmenté de presque 50 %, avec une baisse notable du trafic automobile dans la zone couverte.

Aux États-Unis, Kansas City (Missouri) propose également des bus gratuits depuis 2020. La fréquentation a rapidement progressé (+13 % dès les premiers mois), mais il est trop tôt pour mesurer l'impact précis sur les émissions de CO2.

Bref, la gratuité totale ou partielle des transports en commun marche bien quand elle est accompagnée d'investissements concrets dans le réseau. Sans ça, difficile d'arriver à changer durablement les habitudes.

Le saviez-vous ?

Saviez-vous qu'en moyenne, une voiture particulière émet environ 120 grammes de CO2 par kilomètre parcouru, tandis qu'un autobus transporte en moyenne 50 personnes en émettant environ 80 grammes de CO2 par passager et par kilomètre ? Choisir les transports publics permet donc de réduire considérablement son empreinte carbone individuelle.

Selon une étude menée à Tallinn en Estonie, la gratuité des transports publics instaurée en 2013 a entraîné une augmentation de 14% de leur utilisation dès la première année, mais l'effet sur la réduction du trafic automobile a été modeste, estimé autour de 3-5%. Cela souligne l'importance d'accompagner la gratuité par d'autres mesures, comme des restrictions d'accès aux véhicules motorisés en centre-ville.

Un rapport de l'Agence Internationale de l'Énergie (AIE) indique que les transports urbains représentent environ 23% des émissions mondiales de gaz à effet de serre liées au secteur des transports. Agir sur les déplacements urbains est donc un levier particulièrement pertinent pour lutter contre le changement climatique.

Saviez-vous que Dunkerque, en France, en adoptant la gratuité totale des transports publics en 2018, a vu augmenter la fréquentation de ses bus de près de 85% en semaine et de plus de 125% les week-ends ? Cette hausse considérable a permis de réduire sensiblement la circulation automobile dans le centre-ville.

Effets environnementaux observés suite à l'adoption de la gratuité

Réduction avérée ou non du trafic automobile

Quand on regarde les expériences concrètes de gratuité des transports publics, les résultats sur la baisse du trafic auto sont franchement contrastés. À Dunkerque, par exemple, la gratuité mise en place en 2018 a donné vite fait ses premiers effets encourageants : selon une étude menée un an après son lancement, environ 50% des nouveaux utilisateurs déclaraient avoir clairement abandonné leur voiture pour les transports en commun, au moins pour certains déplacements du quotidien.

Mais attention, l'exemple de Tallinn (Estonie) n'a pas été aussi spectaculaire. Depuis l'instauration de la gratuité en 2013, la baisse du trafic automobile y est restée assez modeste. Une étude a montré une diminution du trafic auto d'environ 5% seulement à court terme, bien loin de l'effet miracle espéré. Une des raisons principales : beaucoup des nouveaux usagers du bus ou du tram venaient plutôt de la marche à pied ou du vélo, donc ils n'ont pas vraiment fait baisser le nombre de voitures en circulation.

Même constat mitigé au Luxembourg, où la gratuité totale instaurée en 2020 n'a pas suffi à réduire significativement les embouteillages. La raison principale ici, c'est que beaucoup de salariés viennent bosser depuis les pays voisins (France, Allemagne, Belgique), et que pour eux, le coût des transports publics n'est pas le seul critère important. La durée du trajet, la fréquence et la praticité des correspondances jouent aussi un rôle essentiel.

En clair, si la gratuité peut effectivement séduire de nouveaux utilisateurs et grignoter un peu sur l'usage de la voiture dans certaines villes, ce n'est clairement pas suffisant tout seul. Pour vraiment inciter les gens à laisser leur voiture au garage, il faut aussi miser sur la qualité du service, la régularité, l'étendue du réseau, et des mesures complémentaires comme des restrictions ciblées sur la circulation auto.

Répercussions sur la qualité de l'air (particules fines, NOx, CO2)

Des expériences comme celle de Tallinn en Estonie montrent que la gratuité des transports n'assure pas systématiquement une grosse diminution des émissions de particules fines ou d'oxydes d'azote (NOx). Là-bas, après la mise en place de la gratuité totale en 2013, la qualité de l'air s'est améliorée, mais assez modestement : on a relevé une baisse de seulement 5 % environ des niveaux d’émissions liées au trafic automobile, ce qui n’est pas énorme pour la santé respiratoire des habitants.

À Dunkerque, après l'instauration de transports publics gratuits, les relevés d'air montrent une tendance positive mais nuancée. On a noté une diminution d'environ 15 à 20 % des émissions de CO2 et des polluants locaux liés au trafic routier dans le centre-ville dès la première année. Mais attention : cet impact reste très localisé et ne suffit pas toujours à améliorer significativement la qualité de l’air sur l'ensemble de la ville.

Le cas du Luxembourg, depuis l’adoption de la gratuité nationale des transports publics en 2020, reste encore incertain sur ce point. Pour l’instant, les rapports indiquent des effets plutôt limités sur les concentrations de NOx et les particules fines. Pourquoi ? Tout simplement parce que beaucoup de résidents continuent d’utiliser leur voiture personnelle, notamment pour les trajets domicile-travail. Ce qui montre bien que pour réellement améliorer l'air qu'on respire en ville, la gratuité ne marche vraiment qu'accompagnée de mesures complémentaires fortes.

Impacts indirects sur la consommation énergétique urbaine

Rendre gratuits les transports publics a des effets indirects intéressants sur la conso d'énergie en ville. Par exemple, lorsqu'une partie significative de la population laisse tomber la voiture perso pour le bus ou le tram gratuit, ça fait baisser la conso d'essence ou de diesel urbains. En chiffres, à Dunkerque, après la gratuité mise en place en 2018, une étude de l'ADEME a montré une économie annuelle d'environ 1 million de litres de carburant, liée principalement à la baisse de l'utilisation automobile. Moins de carburant utilisé, c'est automatiquement moins d'énergie nécessaire pour raffiner, transporter et distribuer ces combustibles ; on appelle ça la réduction de l'énergie grise associée au carburant.

Autre aspect cool : la gratuité réduit indirectement l'énergie consommée pour l'entretien des infrastructures routières. Moins de circulation, c'est moins d'usure de la chaussée, et donc moins de machines lourdes, travaux et engins énergivores pour réparer et entretenir les routes.

Mais attention, tout n'est pas aussi évident. Une hausse forte de fréquentation des transports publics peut aussi augmenter leur consommation d'énergie directe, notamment électrique. À Tallinn, par exemple, la fréquentation des transports publics a bondi de près de 14 % après leur gratuité en 2013, entraînant une légère hausse de consommation électrique pour alimenter trams et trolleybus. Tout dépend donc du mix énergétique local : si c'est principalement de l'énergie renouvelable, le bilan reste positif. Sinon, l'effet peut être plus mitigé.

Dernier petit effet subtil mais réel : une ville plus agréable à vivre avec transports gratuits peut inciter indirectement à limiter la périurbanisation. En clair, on observe dans certains cas que les habitants préfèrent rester proches du centre-ville et de ses commodités plutôt que de s'installer loin et d'utiliser quotidiennement la voiture. Ce phénomène diminue la dépendance à l'automobile individuelle et fait économiser énergie et ressources sur le long terme.

40,7 %

Part moyenne des déplacements urbains effectués en voiture individuelle dans les grandes agglomérations françaises.

29 µg/m³

Concentration moyenne annuelle de particules fines (PM2.5) mesurée à Luxembourg avant l'introduction des transports gratuits en mars 2020.

100 millions d'€

Coût annuel estimé de la gratuité des transports en commun pour la ville de Tallinn (Estonie).

23 %

Réduction des émissions de NOx à Dunkerque observées suite à l'adoption de la gratuité des transports en commun.

55 %

Hausse du nombre d'usagers des transports publics observée à Aubagne (France) trois ans après avoir instauré la gratuité des transports en commun.

Impact de la gratuité des transports publics sur l'empreinte carbone urbaine
Ville Mesure mise en place Effets observés sur l'environnement et la mobilité
Dunkerque (France) Transports en commun gratuits depuis 2018 Hausse de 85% en semaine et 125% le week-end de la fréquentation des bus ; diminution de l'utilisation des voitures individuelles
Tallinn (Estonie) Gratuité des transports publics pour les résidents depuis 2013 Augmentation modérée de l'usage des transports publics (+14%) ; légère réduction de l'utilisation automobile (estimée à environ -5%)
Aubagne (France) Transports publics gratuits depuis 2009 Augmentation du nombre de déplacements en transports publics de plus de 100% en trois ans, réduction significative du trafic automobile local
Luxembourg (pays entier) Transports publics gratuits depuis 2020 Mesure récente : réduction attendue d'environ 65% des émissions de CO2 liées aux déplacements à l'horizon 2030

Conditions nécessaires à l'efficacité de la gratuité dans la diminution de l'empreinte carbone

Importance de la qualité et de la fréquence des services proposés

La gratuité toute seule, ça suffit pas forcément à convaincre les gens de laisser leur voiture au garage. Si ton bus n'arrive que toutes les demi-heures ou qu'il est bondé aux heures de pointe, tu risques de vite laisser tomber, même si c'est gratuit. À Dunkerque par exemple, la gratuité lancée en 2018 a boosté de 65 % la fréquentation des transports publics en semaine, mais ce succès tient aussi au fait que la ville a beaucoup investi pour augmenter la fréquence et améliorer le confort des bus. À Tallinn aussi, le nombre d'usagers a augmenté (+10 % en un an), mais la réduction du trafic auto est restée modeste parce que l'offre de transport public n'était pas suffisamment attractive sur certains trajets.

La prédictibilité du service est aussi primordiale : savoir précisément quand ton tram arrive, grâce à des applications fiables ou à l'affichage en temps réel, ça rassure et ça incite à lâcher la voiture. À Nantes, les écrans d'informations en temps réel dans les stations ont amélioré la satisfaction des usagers et encouragé l'usage des transports en commun, même dans des quartiers jusqu'alors peu desservis.

Au-delà de la fréquence, la qualité du véhicule compte énormément : sièges confortables, propreté, climatisation efficace, accessibilité aux personnes à mobilité réduite. À Vienne, la modernisation progressive des rames de métro et des bus, couplée à un abonnement annuel économique, a permis une hausse significative du nombre d'usagers réguliers ces dernières années. Résultat : moins de voitures dans les rues et une meilleure qualité de l'air.

Bref, proposer des transports gratuits, c’est chouette, mais les gens ne les adopteront durablement que si le service proposé est fiable, confortable et vraiment compétitif par rapport à la voiture.

Rôle complémentaire des mesures restrictives (zones à faibles émissions, péages urbains)

Les transports publics gratuits, c'est sympa et attrayant, mais seuls, ils ne suffisent pas toujours à faire lâcher la voiture. Ce qui marche vraiment bien, c'est quand on les accompagne de mesures plus restrictives comme les zones à faibles émissions (ZFE) ou les péages urbains. Par exemple, Londres a mis en place un péage urbain dès 2003 : résultat, une baisse rapide de 15% du trafic automobile dans la zone concernée dès la première année, et une réduction notable des émissions de CO2 et NOx. À Stockholm aussi, après l'introduction du péage urbain en 2007, les émissions de CO2 ont baissé de près de 14% dans le centre-ville et la congestion du trafic d'environ 20%. Côté français, les grandes agglomérations comme Paris, Lyon ou Grenoble misent plutôt sur les ZFE depuis quelques années : une étude de l'ADEME estime qu'une zone à faibles émissions efficace peut réduire jusqu'à 12% des émissions de particules fines dans l'air local.

Ces mesures plus contraignantes ont aussi un effet psychologique : elles rendent la voiture individuelle moins pratique et moins économique. Du coup, les gens se tournent naturellement vers les transports en commun, surtout si ceux-là deviennent gratuits et performants. Cela crée une dynamique vertueuse qui rend l'offre de transports attractive et diminue vraiment l'empreinte carbone urbaine. Sans ce petit coup de pouce des mesures restrictives, difficile d'aller chercher les automobilistes les plus attachés à leur voiture.

Politiques urbaines intégrées : urbanisme, aménagement et intermodalité

Réduire l'empreinte carbone d'une ville ne passe pas seulement par rendre les transports publics gratuits. Une démarche réellement efficace demande une approche complète intégrant urbanisme, aménagement du territoire et une réelle stratégie d'intermodalité. Par exemple, quand la ville de Fribourg-en-Brisgau en Allemagne a décidé d'encourager la mobilité douce, elle ne s'est pas contentée de bus gratuits ou moins chers : elle a repensé son urbanisme autour d'un axe principal de tramway, entouré de quartiers compacts, mixtes et agréables à parcourir à pied ou à vélo. Résultat : 70 % des déplacements quotidiens s'y effectuent à pied, à vélo ou en transports en commun.

L'idée, c'est de raccourcir directement les distances et d'éviter les déplacements inutiles. Des projets urbains comme celui de Vauban (toujours à Fribourg) illustrent bien comment des quartiers pensés dès l'origine pour réduire le recours à la voiture individuelle permettent de faire de vraies économies de CO₂. Ce quartier limite drastiquement l'accès aux voitures, et les habitants – séduits par la proximité des services essentiels et la facilité de circuler en transports en commun – utilisent 90 véhicules pour 1 000 résidents, largement en dessous de la moyenne allemande.

L'intermodalité occupe également une position centrale dans cette stratégie intégrée. Des pôles multimodaux efficaces, comme ceux déployés à Utrecht aux Pays-Bas, combinent sur un même lieu trains régionaux, tramways, bus, vélos en libre-service et parkings sécurisés pour vélos privés. Ce type d'organisation, fluide et pratique, encourage concrètement le passage au transport collectif et aux modes actifs. À Utrecht, depuis la mise en place de ce système, près de 60 % des déplacements vers le centre-ville se réalisent désormais à vélo ou en transports publics.

Bref, même si la gratuité est une décision intéressante, elle ne suffit pas. Pour vraiment changer la donne en termes d'émissions de CO₂, il faut combiner cette mesure à une organisation réfléchie du territoire, à un aménagement urbain malin et à une vraie intégration entre toutes les formes de mobilité durable.

Foire aux questions (FAQ)

Pas forcément. Plusieurs études montrent que la gratuité seule ne suffit pas toujours à réduire significativement le trafic automobile. Une offre de transport performante et attractive ainsi que des politiques complémentaires telles que péages urbains ou zones à faibles émissions sont souvent nécessaires pour observer une réduction notable.

Oui, des villes comme Dunkerque (France) ou Tallinn (Estonie) ont noté des résultats positifs après la mise en place de la gratuité des transports publics, notamment une augmentation substantielle de la fréquentation des bus ou tramways accompagnée d'une légère diminution du trafic automobile et donc des émissions urbaines de CO2.

Les coûts économiques dépendent des contextes urbains, mais la gratuité entraîne généralement une perte directe de recettes issues de la billetterie. Par exemple, à Dunkerque, le coût de compensation de la gratuité des transports a été estimé autour de 7 millions d'euros par an, financé essentiellement par le budget communal.

La gratuité peut influencer positivement la qualité de l'air si elle contribue à réduire l'utilisation des véhicules motorisés privés, principaux émetteurs de particules fines, d'oxydes d'azote (NOx) ou de monoxyde de carbone (CO). Toutefois, cet impact environnemental bénéfique sera limité si les usagers des transports gratuits proviennent majoritairement de déplacements à pied ou à vélo plutôt que de la voiture.

Plusieurs facteurs conditionnent cette efficacité, notamment l'accessibilité, la fréquence, la ponctualité, la qualité générale du réseau de transports publics, mais aussi l'existence de mesures complémentaires comme l'aménagement cyclable, la piétonisation des centres-villes ou la mise en place de zones à faibles émissions.

Parmi les impacts indirects, on retrouve notamment la revitalisation des centres-villes grâce à un accès facilité aux commerces, une diminution du stress lié à l'usage de la voiture individuelle, une amélioration de l'inclusion sociale et une baisse notable de la précarité en matière de mobilité urbaine.

Oui, le Luxembourg est le premier pays ayant généralisé la gratuité des transports publics pour l'ensemble de son territoire depuis mars 2020. Cette mesure a permis une légère hausse de fréquentation des transports publics, mais les effets précis sur l'empreinte carbone nationale sont encore à évaluer clairement, notamment en raison de perturbations causées par la pandémie du COVID-19.

Mobilité et Transports

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