La surexploitation des crustacésUn défi pour la gestion des populations marines

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La surexploitation des crustacés : un défi pour la gestion des populations marines

Introduction

Les crustacés, ces petites bêtes dont on aime tant déguster les versions crevettes, crabes ou homards, jouent un rôle bien plus précieux que d'agrémenter nos assiettes. Ils occupent une place centrale dans les océans, un peu comme des travailleurs discrets mais indispensables à la vie marine. Pourtant, on a dépassé la limite avec eux. La surexploitation de ces animaux représente aujourd'hui un défi majeur pour la gestion des écosystèmes marins du monde entier.

Pêcher des crustacés n'est pas en soi une mauvaise chose. Cela nourrit les populations côtières, fait vivre pas mal de pêcheurs, et contribue fortement à l'économie locale. Le souci, c'est que l'on prélève ces espèces à une vitesse que la nature n'arrive pas toujours à suivre. Résultat ? Une baisse générale des populations, et forcément, des problèmes bien plus gros que la taille d'une langoustine dans une assiette.

Parce que ces crustacés ne font pas que se balader tranquillement dans l'eau. Ils servent de nourriture à des dizaines d'autres espèces, tout comme ils nettoient les fonds marins en recyclant des déchets organiques. Lorsqu'on fragilise ces populations, ce n'est pas simplement leur nombre qui chute : en réalité, toute la structure sous-marine commence à trembler. Moins de crustacés, cela signifie tout simplement le risque de voir s'écrouler des écosystèmes entiers.

Alors oui, les crustacés sont délicieux, leur commerce est rentable, et leur pêche gravée dans l'histoire culturelle de nombreuses régions. Mais si on continue à ignorer leur surexploitation, on pourrait bien payer l’addition plus vite qu’on ne l'imagine : crises économiques dans des régions entières, effondrement de ressources alimentaires marines, et perte irréversible de biodiversité.

Voilà pourquoi il devient important d'agir. Les crustacés méritent un peu plus qu’on prête attention à eux. C’est tout l’enjeu de mettre en place des stratégies de gestion comme des quotas de pêche, d'évaluer correctement les stocks, et surtout, de comprendre que les protéger revient à préserver nos océans tout entiers — et nous avec.

50 %

Taux de diminution des populations de homards dans certaines régions à cause de la surpêche.

200 kilomètres carrés

Surface des réserves marines établies pour protéger les populations de crabes dans la région Y.

60%

Proportion de la demande mondiale de langoustes couverte par la pêche industrielle, entrainant un risque de surexploitation.

5 années

Durée estimée pour que les populations de crevettes se reconstituent suite à des mesures de protection mises en place.

Importance des crustacés dans les écosystèmes marins

Diversité des espèces de crustacés

Les crustacés, c'est bien plus varié qu'on ne le croit souvent. On en connaît près de 70 000 espèces aujourd'hui, et il en reste sûrement beaucoup à découvrir dans les grands fonds marins. Ça va des minuscules copépodes, à peine visibles à l'œil nu, jusqu'au crabe-araignée géant du Japon, dont l'envergure des pattes dépasse facilement les 3 mètres.

Notre assiette accueille surtout les classiques crevettes, crabes, homards et langoustes, mais dans la nature, il y a aussi des crustacés moins célèbres comme les balanes, collées à vie aux rochers, ou les squilles — des prédateurs redoutables capables de propulser leurs pattes à la vitesse d'une balle de fusil pour casser les coquilles de leurs proies.

En milieu marin profond, les genres Rimicaris ou les "crevettes hydrothermales" pullulent près des sources chaudes océaniques, où elles survivent grâce à une symbiose avec des bactéries qui leur permettent de tirer parti du soufre, loin de la lumière du soleil. Ailleurs, en eau douce, tu trouves des écrevisses invasives nombreuses, comme l'écrevisse américaine Procambarus clarkii, qui bouleverse l'équilibre des rivières européennes.

Enfin, certains crustacés comme le krill antarctique (Euphausia superba) existent en tellement grande quantité qu'ils pèsent ensemble plus lourd que n'importe quelle autre espèce animale sur Terre, baleines comprises. Ce petit crustacé de quelques centimètres joue un rôle central dans l'alimentation d'animaux bien plus grands que lui.

Rôles écologiques des crustacés

Agents nettoyeurs et recycleurs de matière organique

Les crustacés jouent carrément le rôle d'équipe de nettoyage des fonds marins, débarrassant nos océans des tonnes de déchets organiques laissés par les carcasses d'animaux, excréments et végétaux morts. Par exemple, les crabes détritivores comme le crabe vert ou l'étrille se nourrissent régulièrement de carcasses de poissons ou de mollusques, aidant ainsi à éviter la prolifération de bactéries et de parasites potentiellement nuisibles. La crevette nettoyeuse (genre Lysmata) est particulièrement cool : elle se nourrit de parasites externes, de tissus morts et même des restes de repas coincés entre les dents ou sur les branchies d'animaux plus grands, comme les poissons coralliens. Leur comportement améliore directement la santé et la survie d'autres espèces, comme c'est le cas avec les poissons-clowns ou les mérous, souvent aperçus patientant patiemment pour une séance de nettoyage gratuite. Concrètement, si ces éboueurs naturels venaient à manquer à l'appel, la qualité globale de l'eau et la santé globale des fonds marins se dégraderaient rapidement.

Source alimentaire pour d'autres organismes marins

Les crustacés constituent littéralement le garde-manger d'une foule d'animaux marins : poissons, oiseaux de mer, pieuvres ou mammifères aquatiques, tous s'en nourrissent activement. Par exemple, le krill antarctique (Euphausia superba) est le repas préféré de plusieurs espèces comme la baleine bleue, capable d'avaler jusqu'à 4 tonnes de krill chaque jour en période intense d'alimentation. Autre cas concret : les petits crabes constituent plus de 90 % du régime alimentaire de certains poissons plats comme la plie européenne. Même certains coraux profitent indirectement des larves de crustacés brassées par les courants. Du coup, quand les populations de crustacés déclinent, cela entraîne directement un stress alimentaire sur les prédateurs, parfois jusqu'à modifier leurs habitudes de chasse et leurs zones d'habitat.

Crustacé État de la population Conséquences de la surpêche Mesures de gestion
Homard européen (Homarus gammarus) Surexploitation dans certaines zones Diminution des stocks, déséquilibres écologiques Quotas de pêche, tailles minimales de capture
Crabe bleu (Callinectes sapidus) Population fluctuante, localement menacée Impact sur la biodiversité, compétition avec espèces autochtones Fermetures de pêcheries, limitation des périodes de pêche
Crevette nordique (Pandalus borealis) Surexploitée dans plusieurs régions Capture de juvéniles, réduction de la diversité génétique Certification durable (MSC), zones de protection

Pressions exercées sur les populations de crustacés

Surpêche des crustacés

Pêches industrielles

Les flottes industrielles bossent à échelle XXL : énormes bateaux-usines capables de traiter et surgeler les prises direct en mer, efficaces mais franchement destructeurs. Leur méthode favorite ? Le chalutage de fond. Imagine un immense filet raclant le sol marin en emportant tout—crevettes, homards, crabes mais aussi espèces non ciblées comme tortues ou dauphins. Résultat : gaspillage massif par prises accessoires (jusqu'à 80 % peuvent être rejetés sur certains bateaux) et des fonds marins ravagés qui peinent à se régénérer. Par exemple, en Asie du Sud-Est, comme en Thaïlande ou au Vietnam, l'explosion des flottes industrielles a divisé par plus de deux les stocks de crevettes sauvages en quelques décennies seulement. Action concrète : privilégier les produits labelisés, éviter les espèces issues du chalutage, et encourager la mise en place de zones marines protégées pour permettre aux stocks de se refaire une santé.

Pêches à petite échelle

Les pêches à petite échelle, qu'on appelle aussi artisanales, représentent près de 90 % des pêcheurs à travers le monde. Dans des régions côtières d'Afrique de l'Ouest comme le Sénégal ou la Gambie, ces pêcheurs locaux capturent principalement des crevettes, crabes et autres crustacés pour consommer ou vendre sur les marchés proches. Problème : ces pêcheurs utilisent souvent des filets à mailles fines ou des casiers sans contrôle réel, ce qui attrape beaucoup de crustacés juvéniles (pas encore reproducteurs). Résultat, le nombre de crustacés adultes capables de maintenir une population saine chute vite.

Les bonnes solutions pourraient être des équipes locales formées pour surveiller les tailles minimales autorisées des crustacés, et pourquoi pas installer des aires protégées temporaires pour permettre aux espèces de se regénérer. Certaines communautés au Belize ou au Mexique pratiquent déjà des périodes de fermeture temporaires avec succès : les stocks de homards ont nettement augmenté là-bas en seulement quelques années. Ces approches participatives, contrôlées par les pêcheurs eux-mêmes, marchent vraiment et sont plus respectées sur le long terme.

Destruction des habitats des crustacés

Pollution chimique et plastique

La pollution chimique et plastique frappe directement les crustacés, surtout à cause de produits toxiques comme les PCB, pesticides ou encore métaux lourds, qui s’accumulent dans leurs tissus. Prends l’exemple du crabe chinois Eriocheir sinensis dans l’estuaire de la Seine : certaines études montrent qu'il accumule tellement de mercure et de cadmium dans sa chair que son ingestion par des humains devient risquée pour la santé à long terme.

Côté plastique, c’est pas beaucoup mieux. Les microplastiques sont facilement ingérés par des crustacés filtreurs, tels les copépodes ou les crevettes. Une étude menée en 2020 dans la baie de Biscaye révèle par exemple que plus de 60 % des crevettes étudiées avaient déjà avalé des particules plastiques. Le problème, c’est que ces plastiques transportent tout un tas de composés chimiques nocifs et perturbent les fonctions biologiques des animaux, impactant leur croissance, leur reproduction ou encore leur survie. Et vu que les crustacés sont à la base de nombreuses chaînes alimentaires, le plastique et les polluants chimiques remontent facilement vers les grands prédateurs marins puis vers nos assiettes.

Concrètement, pour limiter tout ça, il serait utile d'agir à la source : réduire l'utilisation de certains pesticides agricoles et industriels, optimiser les stations d'épuration pour capturer dès le départ les micropolluants et les microplastiques avant leur arrivée en mer, ou encore travailler sur des matériaux vraiment biodégradables pour remplacer les plastiques traditionnels.

Changemement climatique et acidification des océans

La hausse des températures océaniques ne crée pas seulement un stress thermique sur les crustacés, elle change littéralement la donne au niveau moléculaire. Exemple concret : les homards, très sensibles à la température, voient leur croissance et leur cycle de reproduction perturbés quand l'eau se réchauffe trop.

L'acidification, quant à elle, résulte de cette absorption massive de CO₂ par les océans, ce qui rend l'eau plus acide. Conséquence directe : les crustacés ont plus de mal à fabriquer leur carapace. Leurs exosquelettes sont à base de carbonate de calcium, et dans un océan plus acide, le calcium devient plus rare. Prenons l'exemple des crabes de Dungeness sur la côte ouest américaine—les scientifiques remarquent déjà des coquilles fragilisées, susceptibles d'augmenter leur prédisposition aux maladies et aux prédateurs.

Qu'est-ce qu'on peut faire concrètement ? Surveiller de près les zones à forte valeur économique en crustacés pour anticiper les impacts, adapter les périodes et quotas de pêche en fonction des changements observés et—plus globalement—réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre pour limiter l'acidification des océans.

Destruction physique des habitats (dragues, chaluts)

Les techniques de pêche comme le chalutage de fond et les dragues à coquillages grattent directement les fonds marins, raclant tout sur leur passage. Imagine un bulldozer traversant une forêt : ça laisse forcément des dégâts. Concrètement, ces méthodes réduisent en miettes le relief marin essentiel pour la survie et la reproduction des crustacés comme les langoustines ou les crabes. Une étude en Méditerranée a montré qu'un seul passage de chalut peut enlever jusqu'à 40 % des espèces benthiques, celles qui vivent au fond de l'eau. Plus le fond marin est raclé, moins les crustacés peuvent se cacher des prédateurs ou trouver des zones favorables pour pondre leurs œufs. En pratique, une solution viable consiste à identifier et protéger certains espaces marins, en instaurant des zones interdites au chalutage et des sanctuaires, ou en utilisant des filets plus légers, moins agressifs pour les écosystèmes fragiles. Un exemple concret : au Royaume-Uni, la mise en place en 2008 de zones marines protégées fermées aux engins traînants a permis à certaines populations de crustacés de rebondir significativement.

Eau et Océans : Pêche Durable
Eau et Océans

500
mètres

Profondeur à laquelle les populations de crevettes se trouvent notamment menacées par les activités de dragage.

Dates clés

  • 1950

    1950

    Début de l'expansion majeure des pratiques de pêche industrielle avec popularisation des chaluts, entraînant une pression accrue sur les stocks de crustacés marins.

  • 1977

    1977

    Adoption de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (UNCLOS), établissant des zones économiques exclusives (ZEE) permettant aux nations de réguler leur pêche, y compris celle des crustacés.

  • 1982

    1982

    Signature de l'accord UNCLOS – un cadre juridique international crucial pour la gestion des ressources halieutiques, dont les crustacés.

  • 1992

    1992

    Effondrement spectaculaire des stocks de morue à Terre-Neuve, Canada, mettant en lumière les dangers d’une gestion non durable des ressources marines et impactant indirectement la gestion des crustacés.

  • 1995

    1995

    Adoption de l'Accord des Nations Unies sur les stocks de poissons chevauchants et grands migrateurs, influençant la gestion collaborative des ressources marines, incluant certaines populations de crustacés.

  • 2006

    2006

    Mise en place par l'Union Européenne d'un premier règlement visant à limiter la pêche destructrice au chalut à grande profondeur, protectrice des habitats benthiques et de nombreuses espèces de crustacés.

  • 2010

    2010

    Constat global du déclin significatif des populations de crevettes nordiques, entraînant une hausse d’attention politique et scientifique pour la gestion durable des crustacés.

  • 2015

    2015

    Accord de Paris sur le climat, reconnaissant explicitement les impacts du réchauffement climatique et de l'acidification des océans sur les écosystèmes marins, habitats essentiels pour les crustacés.

  • 2020

    2020

    Rapport de la FAO signalant que près de 35 % des ressources halieutiques évaluées sont exploitées à un niveau biologiquement non-durable, soulignant un besoin urgent de meilleures pratiques de gestion, y compris pour les crustacés.

Conséquences de la surexploitation des crustacés

Diminution des populations de crustacés

Aujourd'hui, pas mal de populations de crustacés se cassent sérieusement la figure. Prends la crevette nordique (Pandalus borealis) par exemple : dans certaines zones de pêche au Canada, son abondance a chuté de près de 40 % en une dizaine d'années seulement. Même chose du côté européen, où les stocks de langoustines dans certaines régions comme la mer Celtique affichent aussi une baisse inquiétante depuis les années 2000. Quant au crabe des neiges, en Alaska, plusieurs années consécutives de captures intensives l'ont amené à une baisse drastique des effectifs, obligeant le secteur à ralentir le rythme pour laisser respirer les populations.

À plus petite échelle, on remarque aussi des effets assez impressionnants sur des espèces moins connues et pourtant indispensables. Les gammares, ces petits crustacés souvent invisibles à l'œil nu, commencent à voir leurs populations diminuer dans certains estuaires soumis à des taux croissants de pollution et d'acidification. Et le truc, c'est que ces mini-crustacés font partie des piliers nutritionnels de nombreux poissons.

Autre cas précis : en Méditerranée, certaines variétés de crabes locaux subissent des déclins notables, imputables directement aux pressions combinées de la surpêche et des dégradations d'habitats côtiers—tellement que certains pêcheurs sentent bien que ça devient difficile d'en tirer un revenu stable. Alors oui, globalement, les chiffres sont préoccupants. Si rien de concret ne change bientôt, la régénération complète de ces populations pourrait prendre des dizaines d'années.

Déséquilibre des écosystèmes marins

Impact sur les chaînes alimentaires marines

Si des crustacés comme les crevettes ou le krill viennent à manquer à cause de la surpêche, c'est toute la chaîne alimentaire marine qui trinque. Prenons l'exemple du krill antarctique : cette minuscule crevette constitue l'alimentation principale de pas mal d'espèces impressionnantes comme les baleines bleues, les phoques, ou encore les manchots. Pourtant, un navire-usine peut capturer jusqu'à 800 tonnes de krill par jour. Ça fait un sacré trou dans le garde-manger des océans.

Et que se passe-t-il ? Privés de leur principale source de nourriture, ces grands prédateurs sont obligés de changer d'habitude alimentaire, parfois en allant piocher dans des espèces moins abondantes ou moins riches nutritivement. Un exemple concret : en Norvège, la surexploitation du krill dans certains secteurs a poussé les colonies de manchots à parcourir des distances beaucoup plus grandes pour manger correctement. Résultat, leur taux de reproduction chute, et des populations entières déclinent.

À une autre échelle, le déclin des crustacés modifie également l'équilibre naturel entre espèces. Des prédateurs opportunistes entrent en compétition directe avec d'autres espèces, provoquant parfois l'effondrement complet ou partiel de certaines niches écologiques. C'est un véritable effet domino qu'on observe alors, qui coûte extrêmement cher à long terme, tant au niveau écologique qu'économique.

Diminution de la biodiversité globale

Quand on vide l'océan de crustacés à cause de la pêche excessive, on touche directement à la richesse des écosystèmes marins. Les crustacés, comme les crevettes ou les crabes, servent de repas de base à plein d'espèces comme les cabillauds, les phoques, ou même certaines baleines. Moins de crustacés, c'est moins de nourriture pour ces prédateurs, entraînant leur déclin et un appauvrissement global du milieu marin.

Un exemple flagrant, c'est l'impact du recul de la crevette nordique dans les eaux canadiennes. La baisse des crevettes signifie moins de proies pour des poissons comme la morue arctique, déjà mal en point. Moins il y a de diversité d'espèces, plus le milieu devient fragile et instable face au réchauffement climatique et autres stress environnementaux.

Ce phénomène, appelé l'effet domino écologique, fait qu'une seule espèce surpêchée peut affaiblir tout le réseau alimentaire marin. Pour ralentir ce problème, des actions efficaces sont possibles rapidement : établir des réserves marines pour permettre aux crustacés de se reproduire tranquillement ou imposer temporairement des interdictions partielles de pêche là où les populations sont au plus bas.

Répercussions économiques et sociales

La baisse des stocks de crustacés, ça a tapé fort dans le porte-monnaie des pêcheurs, en particulier ceux des petites côtes bretonnes ou canadiennes, où la pêche au homard et à la crevette représente parfois jusqu'à 80 % des revenus annuels de certaines familles. Moins de crustacés, ça signifie aussi forcément moins d'emplois : selon une étude menée au Canada en 2020, chaque baisse de 10 % dans les prises annuelles de homard entraîne environ 5 % de perte d'emplois directs et indirects liés à cette activité sur le court terme. Au Vietnam, où l'élevage de crevettes en aquaculture génère chaque année près de 4 milliards de dollars, des baisses importantes de la productivité dues à la surexploitation, aux maladies et à la dégradation de l'environnement ont plongé des milliers de petits producteurs dans des situations économiques précaires. On a aussi vu émerger des conflits sociaux intenses, notamment dans les zones où des chalutiers industriels concurrencent directement les pêcheurs locaux pour une même ressource récemment affaiblie : tensions fréquentes au Sénégal, affrontements parfois violents au Sri Lanka autour de la pêche aux crevettes sauvages. Ces dynamiques accentuent les inégalités entre pêcheurs artisanaux et grandes compagnies. Quand l'abondance disparait, c'est souvent le plus petit qui trinque en premier.

Le saviez-vous ?

Certaines espèces de crevettes jouent un rôle étonnant : elles nettoient les parasites et les tissus morts présents sur divers organismes marins, comme les poissons ou les tortues, contribuant ainsi à maintenir leur santé.

Les crabes, homards et crevettes muent régulièrement tout au long de leur vie afin de grandir, abandonnant leur ancienne carapace devenue trop petite.

Saviez-vous qu'environ 7 millions de tonnes de crustacés sont pêchées chaque année dans le monde, représentant environ 7% des captures marines globales ?

Saviez-vous que la disparition ou le déclin des populations de crustacés peut aussi affecter indirectement le cycle du carbone ? Ces invertébrés marins participent activement au recyclage du carbone organique dans les océans.

Étude de cas : La crevette et le homard face à la surexploitation

Surpêche et déclin de la crevette nordique

La crevette nordique (Pandalus borealis) a longtemps été un pilier économique majeur, notamment dans l'Atlantique Nord, mais depuis quelques décennies, ses effectifs s'effondrent dangereusement. Au Canada, les captures dans certaines zones, comme la côte Atlantique, ont baissé de près de 40% entre 2008 et 2015, obligeant à réduire sévèrement les quotas. Même scénario du côté du Groenland, où certaines populations de crevettes nordiques ont décliné au point d'inquiéter sérieusement les pêcheurs locaux. C'est pas juste la surpêche directe qui pose problème : le réchauffement de l'eau favorise des espèces prédatrices, comme la morue franche ou le cabillaud, qui remontent plus au nord et gobent massivement les crevettes encore présentes. Cette pression combinée de surpêche humaine et de prédation accentuée par le climat créé un double coup dur pour la crevette nordique. Aujourd'hui, même quand on réduit drastiquement la pêche, les populations peinent à rebondir. C'est un peu comme un compte en banque qu'on aurait trop longtemps vidé et qui met un temps fou à se remplir à nouveau. Le problème, c'est que beaucoup d'emplois locaux en dépendent directement, surtout dans des communautés côtières isolées où la pêche à la crevette est presque la seule ressource économique solide. Ces tendances imposent plus que jamais de trouver un équilibre entre exploitation économique et préservation écologique avant qu'il ne soit trop tard.

Gestion controversée des stocks de homards

Le homard est devenu un symbole majeur des tensions entre pêcheurs, scientifiques et autorités locales. Chaque année, des discussions enflammées surgissent autour des quotas autorisés le long des côtes canadiennes et américaines. Souvent, des conflits éclatent même sur l'eau, tellement la pression est forte. Un exemple frappant : en 2020, en Nouvelle-Écosse, les pêcheurs autochtones Mi'kmaq ont exercé leur droit ancestral de pratiquer la pêche en dehors des saisons réglementées habituelles. Cela a entraîné des affrontements tendus avec les pêcheurs commerciaux non autochtones revendiquant un traitement inéquitable.

Côté scientifique, la controverse persiste également. Les études divergent fortement sur l'état exact des stocks. Selon Pêches et Océans Canada (MPO), certaines zones affichent des stocks en bonne santé avec une biomasse élevée, tandis que d'autres régions montrent des indicateurs préoccupants de déclin rapide. Face à ces résultats contrastés, délimiter des quotas adaptés relève souvent du casse-tête pour les décideurs. Le fait est que le système des permis attribués aux pêcheurs crée lui-même une course malsaine à la capture, entraînant une surenchère et une forte pression économique.

Finalement, malgré les tentatives de régulation efficace, le problème demeure. Certains scientifiques suggèrent une refonte complète du modèle de gestion du homard en misant sur des approches plus locales et collaboratives, comme la cogestion. Un modèle où pêcheurs, scientifiques et autochtones décident ensemble des mesures à mettre en œuvre plutôt que de subir des décisions imposées d'en haut. Cela dit, changer les habitudes n'est jamais simple et entraîne souvent des résistances, surtout lorsqu'il est question d'un secteur aussi lucratif que celui du homard.

1.2 milliards

Estimation du nombre de crabes capturés illégalement chaque année dans le monde, participant à la surexploitation.

500 kilomètres

Longueur de la côte impactée par la surpêche des crustacés, mettant en danger les écosystèmes côtiers.

70%

Part des captures de langoustes dépassant les quotas recommandés par les organismes de régulation.

Espèce de Crustacé Statut de conservation (UICN) Zones de surexploitation Mesure de gestion
Homard européen (Homarus gammarus) Données insuffisantes Mer du Nord, Atlantique Nord-Est Quotas de pêche
Crabe royal rouge (Paralithodes camtschaticus) Non évalué Mer de Béring, Pacifique Nord-Ouest Zones de pêche fermées
Crevette nordique (Pandalus borealis) Préoccupation mineure Atlantique Nord-Ouest, Mer de Barents Saisons de pêche réglementées

Stratégies de gestion des populations de crustacés

Limitations de capture

Quotas de pêche

Les quotas fixent des limites annuelles précises sur la quantité autorisée à être capturée pour chaque espèce de crustacé ou chaque secteur maritime, en se basant directement sur l'état de la ressource évalué par des études scientifiques régulières. Concrètement, si les chercheurs estiment que les crevettes grises du Golfe de Gascogne sont en mauvaise posture une année, ils ajustent le quota à la baisse l'année suivante. À titre d'exemple concret, dans le Maine aux États-Unis, la pêche au homard est régulée par des quotas saisonniers en fonction des évaluations annuelles des stocks disponibles par rapport aux années précédentes. Ça permet d'assurer que les pêcheurs ne puisent pas au-delà du renouvellement naturel des populations. Les pays européens, eux, appliquent des quotas basés sur le concept de rendement maximal durable (RMD), c’est-à-dire un niveau de pêche qui maximise les prises sans risquer d’épuiser le stock à long terme. Mais le vrai défi reste souvent de respecter ces quotas : on estime par exemple qu'une partie non négligeable des captures mondiales de crustacés passe sous les radars à cause de la pêche non déclarée. C'est pour ça qu’à côté des quotas, de plus en plus d'acteurs poussent à instaurer des contrôles plus efficaces comme la traçabilité systématique ou des sanctions plus sévères en cas d'infraction.

Foire aux questions (FAQ)

Vous pouvez privilégier des crustacés portant des certifications reconnues, telles que MSC (Marine Stewardship Council) ou ASC (Aquaculture Stewardship Council). Ces labels garantissent, en principe, une pêche ou une aquaculture respectant davantage les écosystèmes marins et les bonnes pratiques sociales.

Certaines espèces, telles que la crevette nordique, le homard, le crabe royal, et différentes variétés de langoustes, sont particulièrement vulnérables à la surexploitation commerciale en raison de leur forte demande sur les marchés internationaux et régionaux.

La surexploitation risque d'appauvrir considérablement les stocks de crustacés, essentiels au bon fonctionnement des écosystèmes marins. Leur déclin entraîne des déséquilibres dans les chaînes alimentaires, impactant directement un grand nombre d'autres espèces marines et menaçant les communautés humaines dépendantes de ces ressources pour l'alimentation et l'économie locale.

Les crustacés sont essentiels : ils participent au recyclage de la matière organique comme agents nettoyeurs, servent de nourriture à de nombreux poissons, oiseaux marins et mammifères, et contribuent à maintenir l’équilibre global au sein des milieux marins et côtiers.

Le changement climatique et l'acidification des océans perturbent la reproduction, la croissance et la survie des crustacés. Ces derniers étant très sensibles à la température de l'eau et aux conditions chimiques, ils voient leurs habitats et leurs ressources alimentaires altérés, menaçant ainsi leur pérennité.

Parmi les principales solutions figure l'établissement de quotas de pêche, la création d'aires marines protégées, des pratiques de pêche plus durables limitant les prises accidentelles. Informer les consommateurs et promouvoir une consommation responsable font aussi partie des démarches importantes.

En faisant des choix éclairés comme consommer des crustacés issus d'une pêche durable ou d'une aquaculture responsable, diminuer la fréquence de votre consommation, et sensibiliser votre entourage à ces pratiques responsables vous contribuez activement à la préservation des populations marines.

Eau et Océans : Pêche Durable

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