Les marchés de carboneUn outil efficace pour lutter contre le changement climatique

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Les marchés de carbone : un outil efficace pour lutter contre le changement climatique

Introduction

Les marchés de carbone, voilà un sujet qui revient souvent dès qu'on parle climat. À l'heure où le réchauffement climatique et les émissions de gaz à effet de serre font régulièrement les gros titres, ces outils économiques sont régulièrement présentés comme la solution miracle. Mais franchement, tu as déjà vraiment compris ce que c'était exactement ? Parce qu'en réalité, derrière ce terme un peu abstrait, il y a pas mal de mécanismes et d'enjeux super importants.

En gros, les marchés de carbone permettent aux entreprises (et même parfois aux pays) d'échanger des quotas d'émissions. Le principe est plutôt simple : celui qui pollue plus que prévu doit acheter des quotas à celui qui pollue moins, ou alors investir dans des projets pour compenser ces émissions via des crédits carbone. Le tout en essayant de créer un cadre financier incitant à réduire globalement les émissions polluantes. Dit très vite comme ça, ça paraît simple, mais dans les faits c'est quand même pas mal compliqué, avec différentes approches, régulations plus ou moins fortes, et plein d'acteurs avec des intérêts franchement différents.

Aujourd'hui, les marchés du carbone existent déjà en Europe depuis 2005, aux États-Unis – notamment en Californie – ou en Chine à très grande échelle depuis quelques années à peine. Certains jurent que ça marche vraiment, d'autres trouvent qu'on peut mieux faire et sentent que le système peine un peu. Côté positif ? Ces marchés forcent à réfléchir à la manière de réduire concrètement nos émissions. Ils incitent clairement à investir dans des technologies plus propres et créent aussi pas mal d'opportunités économiques inédites, avec des métiers nouveaux autour des énergies renouvelables, des investissements verts, tout ça. Mais de l'autre côté, on entend souvent reprocher aux marchés de carbone leur manque de rigueur, le fait que les objectifs soient gentils mais pas assez contraignants, ou encore le risque de voir la pollution simplement se déplacer ailleurs ou les financiers spéculer à tout va sur des quotas d'émissions. Bref, rien n'est parfait.

Ce dossier fait le point sur ce mécanisme dont tout le monde a entendu parler mais que peu comprennent réellement. Alors, véritable révolution écologique, ou belle idée sur le papier qui a du mal à décoller ? On va décortiquer ça en détail, histoire de mieux comprendre comment ces marchés de carbone fonctionnent, à quoi ils servent, ce qu'ils ont accompli, et quelles sont leurs limites.

25 usines

Installations de capture et stockage de carbone (CSC) actives ou en projet dans l'UE en 2020

4,4 milliards dollars

En 2019, les échanges sur le marché de carbone de la Californie ont atteint 4,4 milliards de dollars

25 € par tonne de CO2

Prix moyen du carbone sur le marché Emission Trading System (ETS) de l'Union européenne en 2020

129,4 millions de tonnes de CO2

La production et la consommation de ciment en Californie ont émis 129,4 millions de tonnes de CO2 en 2018

Qu'est-ce qu'un marché de carbone ?

Historique

Les premières expérimentations de marchés carbone remontent à la fin des années 90, bien avant que ça ne devienne à la mode. Dès 1997, avec le Protocole de Kyoto, une centaine de pays valident l'idée de s'attaquer aux émissions de gaz à effet de serre via des quotas échangeables. Le principe des marchés carbone s'inspire en réalité de dispositifs plus anciens, utilisés dès les années 70 et 80 aux États-Unis pour limiter les pluies acides et les émissions industrielles polluantes. Les premières transactions liées au Protocole de Kyoto commencent vraiment à décoller vers 2005, notamment grâce au lancement la même année du système européen de quotas d'émission (EU ETS), le premier grand marché réglementé mondial. À l'époque, c'était plutôt expérimental, mais aujourd'hui l'EU ETS couvre plus de 11 000 installations industrielles et représente environ 40% des émissions européennes. Entre-temps, certains pays et régions comme la Californie, la Chine ou la Corée du Sud ont établi leurs propres marchés. Certains marchés volontaires émergent également au début des années 2000, permettant aux particuliers et aux entreprises de compenser volontairement leurs émissions. Bref, les marchés carbone c'était au départ une tentative purement économique de résoudre un problème environnemental, et depuis ça s'est largement répandu à travers le monde.

Principe et fonctionnement

Système de quotas

Le système marche simplement : on fixe un plafond global d’émissions pour plusieurs industries, en divisant ensuite ce plafond en quotas individuels. Chaque entreprise reçoit un certain nombre de quotas selon ses émissions historiques. Si elle émet moins que prévu, elle a des quotas en trop qu'elle peut revendre à d'autres boîtes moins performantes niveau environnemental.

En 2021 par exemple, dans le système européen (EU ETS), le plafond global a été fixé à environ 1,57 milliard de tonnes de CO₂, soit une diminution progressive chaque année de 2,2%. Ça oblige les entreprises à investir pour réduire leurs émissions ou acheter des quotas supplémentaires au marché.

Un truc intéressant, c'est que les quotas deviennent comme une véritable monnaie pour ces entreprises. Certaines industries réussissent à tirer profit de leurs bons résultats environnementaux. Par exemple, grâce à ses investissements dans la réduction des émissions, une entreprise comme EDF a pu vendre régulièrement ses surplus de quotas.

Mais attention, le système a ses failles : au début de la crise économique en 2008, trop de quotas distribués gratuitement avaient créé un surplus énorme, rendant le prix du carbone très bas (moins de 5 € la tonne par moment). Depuis, la Commission européenne est intervenue pour ajuster son système, introduire une réserve de stabilité pour réguler la quantité de quotas disponibles sur le marché, faisant remonter le prix à environ 80 €/tonne de CO₂ fin 2021.

Crédits carbone et compensation volontaire

Les crédits carbone, concrètement, ce sont des certificats que tu achètes pour compenser une certaine quantité d'émissions de gaz à effet de serre (GES). Grosso modo, tu financeras un projet vert ailleurs dans le monde qui va aspirer ou réduire la même quantité de carbone que celle que toi ou ton entreprise rejette.

Ça peut prendre plein de formes : plantations d'arbres, développement d'énergie solaire dans des zones reculées, initiatives pour améliorer l'efficacité énergétique des logements. Exemple super parlant : un billet d'avion Paris-New York c'est environ 1 tonne d'équivalent CO₂ par personne. Tu achètes 1 crédit carbone équivalent à cette tonne auprès d'un organisme certifié comme Gold Standard ou Verified Carbon Standard, qui eux investissent dans un projet vérifié (genre réhabilitation de forêts au Kenya ou construction de foyers de cuisson propres en Inde).

Attention à bien choisir : tous les crédits ne se valent pas. Ce qui compte vraiment, c'est ce que les spécialistes appellent l'additionnalité : ton argent doit permettre au projet de voir le jour et ne doit pas juste financer un truc qui aurait eu lieu même sans toi. Autre facteur à vérifier : les standards rigoureux qui certifient l'efficacité et la transparence des projets.

Quelques plateformes sérieuses comme South Pole, MyClimate ou EcoAct proposent des solutions crédibles pour calculer précisément tes émissions et trouver des projets sûrs pour compenser derrière.

Enfin, la compensation volontaire reste complémentaire à une vraie politique de réduction des émissions. L'idée n'est clairement pas d'acheter ta conscience écologique, mais bien de boucler la boucle lorsque tu as déjà fait ton max pour diminuer ton empreinte carbone.

Systèmes d'échange de quotas d'émission dans le monde
Système Région Année de mise en œuvre Objectif de réduction des émissions
Système d'échange de quotas d'émission de l'UE (EU ETS) Union européenne 2005 Réduire les émissions de gaz à effet de serre de 43% par rapport à 2005 d'ici 2030
California Cap-and-Trade Program Californie, États-Unis 2013 Atteindre 1990 niveaux d'émissions de GES d'ici 2020 et les réduire de 40% d'ici 2030
Système national d'échange de quotas d'émission (China ETS) Chine 2021 Réduire l'intensité des émissions de carbone de 18% par rapport aux niveaux de 2015 d'ici 2025

Les différents types de marchés de carbone

Marchés réglementés

Ces systèmes fixent un plafond d'émissions polluantes obligatoire pour les entreprises de certains secteurs. Par exemple, l'Union européenne couvre plus de 11 000 installations industrielles et électriques avec son système EU ETS (European Union Emissions Trading System). Même logique en Californie, où une entreprise émettant plus de 25 000 tonnes de CO2 par an est obligée d'acheter des quotas sur un marché officiel. Le prix de la tonne de carbone est fixé par l'offre et la demande : plus les entreprises polluent, plus les quotas deviennent rares et chers. Résultat, ça pousse les industriels à investir dans des technologies propres ou à revoir leur production. Le respect des quotas est surveillé de près par des autorités indépendantes, et les entreprises en non-conformité s'exposent à des sanctions financières élevées (par exemple, une amende de 100 euros par tonne excédentaire dans l'UE). Ce genre de mécanisme a aussi permis de réduire concrètement les émissions polluantes : entre 2005 et 2020, les industries concernées au sein de l'UE ETS ont diminué leurs émissions de 43 % par rapport à 2005. Dernier détail sympa : certains marchés réglementés collaborent de façon internationale. C'est le cas du marché californien qui est lié à celui du Québec, permettant aux entreprises d'échanger des quotas outre-frontière, et ce depuis 2014.

Marchés volontaires

Les marchés volontaires sont des espaces où les entreprises ou les particuliers achètent de manière volontaire des crédits carbone pour compenser leurs émissions. Contrairement aux marchés réglementés, ici rien n'est imposé : les acteurs décident eux-mêmes de participer à ces marchés pour afficher leur engagement écolo et améliorer leur image auprès du public ou des clients.

Ces crédits volontaires soutiennent des projets variés comme la reforestation, le développement d'énergies renouvelables ou encore des programmes d'efficacité énergétique. Les projets sont souvent contrôlés par des standards de qualité reconnus, tels que le Verified Carbon Standard (VCS) ou le Gold Standard, histoire de garantir que la baisse d'émissions annoncée est bien réelle. Un crédit correspond généralement à une tonne de CO₂ évitée ou capturée.

Point clé concret : en 2021, Selon un rapport d'Ecosystem Marketplace, plus de 500 millions de crédits carbone volontaires ont été échangés, pour une valeur totale dépassant les 2 milliards de dollars. Ce secteur est donc loin d'être petit !

Attention toutefois : comme la participation est volontaire, la qualité des projets varie beaucoup et certains ont pu être critiqués pour leur manque de transparence ou leur efficacité douteuse. Acheter des crédits volontaires efficaces et fiables demande donc un vrai travail d'attention et de vérification.

Économie Verte : Marchés de Carbone
Économie Verte

26,7
millions de permis

En 2020, 26,7 millions de permis d'émission ont été mis aux enchères par l'UE

Dates clés

  • 1997

    1997

    Signature du protocole de Kyoto, qui instaure des mécanismes internationaux dont les marchés de carbone pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.

  • 2005

    2005

    Entrée en vigueur du protocole de Kyoto et lancement du Système communautaire d'échange de quotas d'émissions (EU ETS) en Europe.

  • 2013

    2013

    Début de la troisième phase du système européen d'échange de quotas d'émissions avec des objectifs plus ambitieux et une réglementation renforcée.

  • 2015

    2015

    Accord de Paris adopté lors de la COP21, fixant l'objectif de contenir le réchauffement global sous la barre des 2°C, stimulant ainsi le développement des marchés carbone internationaux.

  • 2017

    2017

    La Chine annonce officiellement le lancement progressif de son marché national du carbone, devenant le plus grand marché mondial de quotas d'émissions de CO2.

  • 2021

    2021

    Lancement officiel du marché national chinois d’échange de quotas d'émissions, couvrant initialement le secteur de la production d'électricité mais ayant vocation à s'étendre à d'autres secteurs à l'avenir.

Les avantages des marchés de carbone

Réduction des émissions de gaz à effet de serre

Un des gros avantages concrets des marchés carbone, c'est qu'ils poussent directement les gros pollueurs à la sobriété énergétique. Quand on te fixe un plafond de CO2 et qu'on taxe chaque tonne supplémentaire, forcément tu réfléchis à comment produire en limitant ta pollution. Ça paraît basique mais c'est exactement ça le truc : ces marchés fixent un prix au CO2 émis, ce qui pousse les entreprises à investir dans des solutions propres pour baisser leurs coûts.

Par exemple, dans le cadre du marché européen du carbone (EU ETS), de 2005 à 2019, les émissions des secteurs concernés ont diminué d'environ 35 %. Ce chiffre est concret et montre qu'une tarification efficace du carbone peut avoir des résultats réels.

Le marché de la Californie est aussi un bon élève : entre 2013 et 2020, les émissions couvertes par leur système de quotas ont diminué de plus de 14 %. C'est significatif sur une échelle locale.

Autre point important, un prix bien calibré incite naturellement les entreprises à moderniser leurs installations industrielles, à miser sur les énergies renouvelables ou à économiser l'énergie. Par exemple, un simple ajustement du prix du carbone européen à plus de 50 euros la tonne en 2021 a encouragé un paquet d'usines et de centrales électriques à sérieusement envisager des alternatives moins polluantes.

Bref, les marchés du carbone, quand ils sont bien faits, c’est concret, ça parle directement au portefeuille des entreprises et ça force à réellement baisser les émissions de CO2 plutôt que de simplement en parler.

Stimulation de l'innovation technologique

Les marchés de carbone fonctionnent un peu comme un coup de pouce pour pousser les industries à chercher des solutions vraiment innovantes pour émettre moins de gaz à effet de serre. Quand une entreprise sait que le droit de polluer devient une marchandise coûteuse, elle est poussée à investir sérieusement dans la recherche et le développement. Par exemple, l'industrie sidérurgique européenne a vu émerger des technologies concrètes comme le procédé HYBRIT (Hydrogen Breakthrough Ironmaking Technology), mis en place en Suède dès 2016. Ce procédé combine l'utilisation d'hydrogène produit à partir d'électricité renouvelable avec du minerai de fer, supprimant complètement les émissions de CO2 traditionnelles liées au charbon.

Ce genre d'initiative est encouragé financièrement par le coût croissant des quotas de carbone. Résultat : au lieu de simplement acheter leurs quotas, les entreprises cherchent des techniques plus propres, histoire d'économiser sérieusement sur le long terme. On voit aussi apparaître de plus en plus de captation et stockage du carbone, les entreprises étant prêtes à tester des méthodes jusque-là considérées comme trop coûteuses ou risquées financièrement. Un rapport de l'Agence Internationale de l'Énergie (AIE) de 2022 constate ainsi que plus de 30 projets de capture directe de CO2 dans l'air (Direct Air Capture) sont aujourd'hui en cours dans le monde, alors qu'il y a dix ans, cette solution était encore marginale.

Autre exemple concret : les cimenteries, responsables à elles seules d'environ 8% des émissions mondiales de CO2, commencent à tester à grande échelle des mélanges alternatifs et innovants – tels que le béton bas-carbone contenant des déchets industriels recyclés ou activés. Bref, le marché du carbone sert de catalyseur, en rendant économiquement intéressant ce type de démarches technologiques audacieuses.

Création de nouvelles opportunités économiques

Emplois verts

Les marchés carbone ont directement boosté les métiers liés au management environnemental, aux audits carbone et à la finance responsable. Concrètement, des postes spécialisés dans les stratégies bas-carbone et la gestion des échanges de quotas se multiplient à vitesse grand V. En Europe, par exemple, les secteurs industriels très exposés au marché EU-ETS (sidérurgie, chimie, ciment…) recrutent régulièrement des experts capables de piloter leur politique de compensation carbone en interne.

Du côté des métiers techniques, pareil : des techniciens et ingénieurs en efficacité énergétique sont embauchés pour transformer la contrainte carbone en opportunité. Comme ce qu’on observe en Californie, qui a vu grimper rapidement la demande de spécialistes des énergies renouvelables grâce à son marché carbone ambitieux.

Ça crée aussi des débouchés dans des services plutôt nouveaux tels que le suivi numérique des émissions, où des startups comme Sweep ou Greenly ont émergé avec des propositions innovantes pour quantifier finement le bilan carbone des entreprises. Ces boîtes recrutent en continu des data scientists à l’aise avec l’analyse carbone et la visualisation de données.

Bon à savoir aussi : les profils hybrides, mêlant compétences financières, écologiques et data, deviennent ultra prisés grâce au développement des marchés carbone, car les entreprises veulent intégrer efficacement ces enjeux dans leur stratégie business.

Investissements durables

Les marchés carbone attirent de plus en plus d'investissements durables, notamment à travers des fonds climat ou ESG (Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance). Ces fonds sélectionnent les entreprises qui réduisent efficacement leurs émissions ou qui proposent des solutions novatrices en la matière. Concrètement, t'as des boîtes comme Carbon Clean Solutions, spécialisée dans la capture industrielle du carbone, ou encore Northvolt, qui produit des batteries écologiques en Europe, soutenues activement par ces financements. Du côté de l'investisseur individuel, plusieurs plateformes comme LITA.co en France permettent aujourd'hui à chacun de placer ses économies dans des projets certifiés bas carbone. Même les gros gestionnaires d'actifs, genre BlackRock, se sont mis à développer massivement leurs portefeuilles axés développement durable. Résultat : la finance verte devient clairement une voie crédible pour rediriger les capitaux vers l'économie bas-carbone, et tout le monde peut y participer, du particulier au gros investisseur institutionnel.

Le saviez-vous ?

En 2022, le marché européen du carbone (EU ETS) couvrait environ 36 % des émissions totales de gaz à effet de serre de l'Union Européenne, touchant près de 10 000 installations industrielles et énergétiques différentes.

Le protocole de Kyoto, signé en 1997, est le premier accord international à avoir introduit l'idée de marchés du carbone pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Selon la Banque Mondiale, les marchés du carbone à travers le monde ont généré près de 85 milliards d'euros de revenus en 2021, montrant ainsi l'ampleur économique de ces mécanismes.

Le partenariat entre la Californie et le Québec en matière de marché carbone est le premier exemple réussi de coopération transfrontalière en Amérique du Nord pour la réduction des émissions.

Exemples de marchés de carbone dans le monde

Union européenne

Bilan du Système communautaire d’échange de quotas (EU ETS)

Le EU ETS, c'est le plus grand marché de carbone au monde, lancé en 2005 pour pousser les entreprises européennes à baisser leurs émissions de gaz à effet de serre. Concrètement, ça concerne surtout l'industrie lourde, les centrales électriques et, depuis 2012, aussi l'aviation.

Entre 2005 et 2020, le EU ETS a permis à l'UE de réduire ses émissions de CO₂ de près de 43 % dans les secteurs concernés, par rapport aux niveaux de 2005. Pas mal du tout, mais attention : dans les premières années, il y avait trop d'allocations gratuites distribuées aux entreprises, ce qui faisait descendre sérieusement le prix du carbone. Résultat : entre 2008 et 2013, le prix de la tonne de CO₂ s'est effondré à même pas 5 €. Du coup, ça n'incitait pas franchement les boîtes à faire de gros efforts.

Mais depuis les dernières réformes, notamment la mise en place de la réserve de stabilité du marché en 2019, ça a bien changé : le prix d'une tonne de CO₂ est monté progressivement et tourne désormais autour des 80-90 €. Là, clairement, les entreprises commencent sérieusement à réfléchir à comment optimiser leurs procédés.

Exemple intéressant : le secteur de l'électricité. Les centrales à charbon, hyper émettrices, perdent en rentabilité à cause du coût croissant des quotas, pendant que les énergies renouvelables (solaire, éolien) gagnent en compétitivité. Résultat direct : un pays comme l'Allemagne qui était extrêmement dépendant du charbon voit le solaire prendre sérieusement du terrain grâce à ça.

Autre cas concret plutôt parlant : ArcelorMittal, géant de l'acier, qui utilise le EU ETS comme levier pour financer la transition vers l'acier "vert" fabriqué à base d'hydrogène renouvelable.

Par contre, ne soyons pas naïfs : certaines industries lourdes challengées par ces coûts préfèrent encore délocaliser hors Europe, où les règles sont moins strictes. Donc tout n'est pas gagné non plus.

Perspectives et futurs ajustements

Le marché européen du carbone prévoit d'ici 2026 d'appliquer un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières de l’UE. Concrètement, si une entreprise hors-Europe veut exporter de l'acier, du ciment ou de l'aluminium chez nous, elle devra payer pour ses émissions comme nos entreprises européennes le font déjà. Ça vise à éviter le problème classique des entreprises européennes qui se retrouvent pénalisées face à des concurrents à l'étranger moins régulés.

L'Europe prévoit aussi de réduire progressivement, puis de supprimer totalement, les quotas gratuits d'émissions d'ici 2034. Autrement dit, les entreprises habituées à recevoir ces quotas gratuits vont devoir accélérer sérieusement leurs investissements dans des technologies propres ou accepter de payer de plus en plus cher leurs rejets de CO₂.

Enfin, l'UE réfléchit à élargir le Système communautaire d’échange de quotas (EU ETS) à d'autres secteurs encore exclus aujourd’hui, notamment le transport maritime et routier et le secteur du bâtiment vers 2027. Ce changement pourrait doubler la couverture actuelle du marché carbone européen, renforçant nettement son impact Face au changement climatique.

Californie

Dispositif et résultats atteints

La Californie a lancé son marché carbone en 2013. Le principe est simple : fixer un plafond annuel d’émissions pour les grosses industries (raffineries, centrales électriques...), qui doivent respecter ce quota ou acheter des crédits si elles dépassent. Concrètement, près de 85 % des émissions de gaz à effet de serre de l'État sont couvertes par ce programme, ce qui est énorme comparé à d'autres dispositifs similaires.

Depuis son lancement, ce système a permis à la Californie de réduire ses émissions de CO2 de manière importante : en 2020, les émissions étaient déjà inférieures aux objectifs fixés pour cette même année, le niveau d'émissions étant en baisse d'environ 14 % par rapport à 2013.

Côté business, les enchères de quotas carbone en Californie ont rapporté au total plus de 20 milliards de dollars depuis le début du dispositif. Cet argent ne dort pas : il finance directement des projets concrets comme des transports publics électriques, des initiatives d’efficacité énergétique dans les bâtiments, ou encore du reboisement dans diverses régions californiennes.

Autre chiffre encourageant : grâce à ce marché carbone, l'État a aussi accéléré la transition vers du renouvelable. Aujourd’hui en Californie, plus de 30 % de l’électricité vient de sources vertes (solaire, éolienne, etc.), contre à peine 15 % en 2010. Pas mal du tout comme résultat concret et vérifié.

Coopération internationale (ex. Québec-Californie)

Un exemple concret de coopération internationale sur les marchés carbone, c'est celle entre le Québec et la Californie, née officiellement en 2014. Ces deux régions ont combiné leur marché du carbone pour créer le Western Climate Initiative (WCI), une sorte de super-marché du carbone nord-américain. Le but ? Que les entreprises californiennes et québécoises puissent échanger leurs quotas d’émissions entre elles, pas seulement localement, ce qui rend le système plus fluide, plus costaud et aide à atteindre plus facilement les objectifs climatiques.

Concrètement, cette coopération a augmenté l'efficacité environnementale et économique du dispositif : plus d'acteurs impliqués, plus grande flexibilité et réduction des coûts pour tout le monde. Depuis l'union des deux marchés, on a vu une réduction réelle et stable des émissions de carbone : rien qu'entre 2013 et 2021, les émissions couvertes par le système commun Québec-Californie ont baissé d'environ 13 %.

L'intérêt supplémentaire, c’est que cette coopération crée aussi un modèle exportable. D'autres territoires commencent à montrer de l'intérêt, comme l’État de Washington qui a rejoint récemment l'initiative en lançant son propre marché lié au WCI. Comme quoi, quand plusieurs régions s'allient plutôt que de jouer en solo, tout le monde y gagne pour le climat.

Chine

Déploiement national du marché chinois

Depuis juillet 2021, la Chine a mis en place officiellement le plus grand marché carbone mondial, couvrant dans un premier temps uniquement le secteur électrique, soit environ 40 % des émissions totales de CO₂ du pays. Concrètement, ce marché concerne plus de 2 200 centrales électriques, dont beaucoup fonctionnent au charbon.

Ici, pas de système classique où les entreprises achètent leurs quotas aux enchères : l'État distribue gratuitement ses quotas au départ, en se basant sur des benchmarks précis établis selon les performances historiques et techniques de chaque centrale. L'idée ? Encourager surtout les centrales moins efficaces à s'améliorer, sous peine de devoir acheter de nouveaux quotas sur le marché secondaire à celles qui gèrent bien leurs émissions.

Le prix moyen actuel du quota carbone tourne autour de 50 yuans (environ 6,5 euros) la tonne de CO₂, un prix encore faible par rapport à l'Union européenne (où ça dépasse parfois les 80 euros), mais suffisant pour impulser un changement concret chez les gros pollueurs chinois moins performants.

Un exemple intéressant : la province du Guangdong est pionnière depuis 2013 avec son propre système régional, ce qui lui a permis d'acquérir des données et expériences précieuses pour le déploiement à l’échelle nationale. C'est grâce à ce laboratoire régional que des soucis techniques liés aux données et au suivi ont pu être en partie résolus avant de passer à grande échelle.

Niveau concret, l'entreprise chinoise qui dépasse ses quotas doit acheter des permis supplémentaires par le biais de la Bourse environnementale de Shanghai, plateforme officielle en charge des échanges. Une spécificité chinoise : les pénalités en cas d'infraction restent encore floues et la surveillance des émissions varie d'une région à l'autre, donc des améliorations au niveau surveillance et sanctions restent nécessaires pour être vraiment efficace à terme.

Enjeux et défis spécifiques

Premier gros défi en Chine : la transparence des données. Franchement, c'est pas toujours évident d'avoir les vrais chiffres quand il s'agit des émissions de CO₂ des entreprises chinoises. Des cas précis montrent que certaines boîtes ont sous-évalué leurs émissions pour décrocher plus facilement des quotas. Résultat : fiabilité en baisse et confiance limitée au niveau international en ce marché tout récent.

Deuxième problème : la fragmentation des marchés pilotes régionaux. Au début, plusieurs provinces et villes (comme Shenzhen et Pékin) avaient lancé leurs propres mini-marchés pilotes avec leurs règles perso. Harmoniser tout cela à l'échelle nationale, c'est un vrai casse-tête. Concrètement, ça veut dire que les entreprises habituées à certains procédés régionaux doivent vite s'adapter aux nouvelles règles nationales, souvent plus sévères.

Aussi, le marché chinois cible essentiellement le secteur de l'énergie et principalement les centrales électriques au charbon. Mais aujourd'hui, de nombreux secteurs très polluants (industrie sidérurgique, ciment, aluminium, transports...) ne sont toujours pas intégrés au système. Donc, ça réduit forcément l'efficacité de l'ensemble.

Dernier point clairement délicat : le prix des quotas carbone reste bas en Chine, autour de 7€ la tonne de CO₂ début 2023 alors qu'en Europe on tournait déjà autour de 85€ à la même période. Avec des prix aussi faibles, les entreprises ne sont pas forcément motivées à vraiment réduire leurs émissions ou à investir dans des technos propres. Un prix élevé, c'est clairement la clé pour pousser les industries à se bouger plus vite.

12,1 grammes de CO2 par kilomètre

En 2020, les émissions moyennes de CO2 des voitures neuves vendues dans l'UE étaient de 12,1 g/km en dessous de l'objectif de 130 g/km

Catégorie Description Avantages Inconvénients
Système d'échange de quotas d'émission (SEQE) Mécanisme par lequel les entreprises reçoivent ou achètent des quotas d'émissions de CO2 et peuvent les échanger. Incite les entreprises à réduire leurs émissions pour vendre des quotas excédentaires. Allocation initiale des quotas peut être inéquitable ou insuffisante pour stimuler des réductions d'émissions.
Taxe carbone Impôt sur le carbone émis, payé par les pollueurs. Revenu généré peut être utilisé pour financer des initiatives vertes. Peut être répercutée sur les consommateurs sous forme de prix plus élevés.
Crédits carbone Unités attribuées pour la réduction ou la séquestration d'une tonne de CO2. Encourage des projets de réduction des émissions dans les pays en développement. Risque de création de crédits sans réduction réelle des émissions globales.

Les limites et les controverses des marchés de carbone

Fuites de carbone et délocalisation des émissions

Le concept de fuite de carbone, c'est quand une politique climatique ambitieuse adoptée par un pays pousse certaines industries à déplacer leur production ailleurs, là où les normes environnementales sont moins strictes. Résultat : les émissions évitées d'un côté du globe réapparaissent juste ailleurs. Un peu comme si on poussait discrètement la poussière sous le tapis du voisin au lieu de l'aspirer chez soi.

Par exemple, l'Union européenne, malgré ses efforts avec son marché carbone (EU ETS), a détecté un vrai problème : la production d'acier, de ciment ou encore d'aluminium s'est parfois déplacée hors d'Europe. C'est facile à comprendre : produire en dehors de la zone couverte par un marché carbone coûte moins cher, on évite d'acheter des quotas coûteux. Selon une étude récente, jusqu'à 25 % des réductions d'émissions européennes seraient simplement dues à ces délocalisations vers des régions moins regardantes sur la pollution.

Du coup, ces émissions "proprement" évitées réapparaitraient ailleurs, avec souvent une intensité carbone plus élevée. D'où la critique : les marchés carbone ne règlent pas vraiment tout, ils déplacent juste le problème ailleurs. Alors, pour contrer ça, certaines régions commencent à réfléchir sérieusement au mécanisme d'ajustement carbone aux frontières. L'idée ? Taxer les produits importés en fonction du CO2 émis pour leur fabrication, histoire de réduire l'incitation à produire ailleurs. Pas mal pour éviter les petits malins qui veulent contourner les règles.

Manque d'ambition et objectifs insuffisamment contraignants

Soyons clairs, certains marchés du carbone ne sont pas assez ambitieux. Un exemple parlant : le marché européen (EU ETS), lors de sa phase initiale (2005-2007), fixait des quotas trop généreux. Résultat ? Une tonne de CO2 coûtait une misère, quelques euros à peine. Trop bas pour pousser les entreprises à vraiment changer leurs habitudes. Heureusement, ça s'est amélioré depuis, mais encore récemment, pendant la pandémie de Covid-19, les prix du carbone ont drastiquement chuté à cause de la baisse d'activité économique.

Autre illustration concrète : le marché chinois, lancé officiellement en 2021. Même s'il concerne plus de 2 000 entreprises et couvre environ quatre milliards de tonnes de CO2, ses seuils initiaux sont assez bas, conçus sur les émissions historiques des entreprises concernées. Ça donne une marge de manœuvre confortable à ces dernières, pas exactement idéal pour accélérer la transition vers des technologies propres.

Autre souci : la surabondance de crédits carbone bon marché sur les marchés volontaires. Avec des crédits accessibles à bas prix, les entreprises préfèrent parfois payer pour compenser leurs émissions plutôt que vraiment investir pour les réduire. Certaines normes de certification des crédits, mal contrôlées, permettent même à des projets douteux de voir le jour, sans vraiment changer la donne côté climat.

Résultat, malgré les bonnes intentions affichées partout, le manque de contraintes efficaces et d'objectifs ambitieux ralentit sérieusement les résultats attendus des marchés du carbone. Pour que ça marche vraiment, il faudrait oser davantage : quotas plus stricts, prix du CO2 élevé et des mécanismes de contrôle sérieux, sinon on fera juste du surplace.

Risque de spéculation financière

Avec l'expansion des marchés de carbone, certains acteurs financiers ont flairé le bon coup et commencent à voir dans les quotas d'émissions une opportunité de profits rapides. Le problème, c'est que ce genre d'intérêt peut gonfler artificiellement les prix, les rendre volatils et compliquer la vie des entreprises qui cherchent juste à faire leur boulot en contrôlant leurs émissions.

Par exemple, dans le marché européen des quotas de carbone (EU ETS), certains fonds spéculatifs et grandes banques sont entrés dans la danse ces dernières années, augmentant nettement leur participation. En décembre 2021, selon plusieurs rapports spécialisés comme celui du think tank Ember, ces acteurs financiers détenaient jusqu'à 30% des quotas en circulation, contre seulement 5 à 10% quelques années auparavant.

Du coup, le prix de la tonne de CO₂ sur ce marché est monté en flèche, passant de 25 € début 2020 à plus de 80 € début 2022. Certes, un prix élevé c'est bien pour pousser les entreprises à réduire leurs émissions, mais une hausse trop rapide et imprévisible rend la tâche difficile aux industriels qui planifient leurs investissements à moyen terme.

En plus, une autre crainte souvent évoquée est celle d'une bulle spéculative. Si ces fonds se retirent tous d'un coup, ça ferait dégringoler brutalement les prix, ce qui pourrait déstabiliser tout le marché. Et une instabilité pareille n'est clairement pas l'idéal quand l'objectif reste quand même de lutter sérieusement contre le réchauffement climatique.

C'est pour éviter ces soucis que certains proposent des mesures comme la limitation de l’accès aux marchés du carbone pour les spéculateurs purs et durs, ou la régulation renforcée des transactions financières sur ces quotas. Pas évident de trouver un juste milieu entre un marché dynamique et une spéculation excessive, mais ce sera sûrement important à régler dans les prochaines années.

Foire aux questions (FAQ)

En tant que particulier, vous pouvez participer au marché volontaire en achetant des crédits carbone pour compenser vos émissions personnelles (voyages en avion, consommation énergétique, etc.). Plusieurs plateformes en ligne proposent l'achat de ces crédits pour financer des projets environnementaux certifiés (reforestation, énergies renouvelables, etc.).

Oui, quand ils sont correctement conçus et appliqués. Des études montrent que des marchés bien régulés, comme celui de l'Union européenne, ont contribué à une baisse effective des émissions dans les secteurs couverts. Cependant, leur efficacité dépend souvent du niveau d'ambition politique et des objectifs fixés.

Un crédit carbone représente une tonne de dioxyde de carbone (CO2) évitée ou absorbée. Il est attribué après vérification par un organisme indépendant qui mesure la quantité d'émissions évitées grâce à un projet spécifique ou la quantité de CO2 absorbée par un puits de carbone comme une forêt.

La fuite de carbone désigne la situation où une règlementation stricte sur les émissions dans une région entraîne la délocalisation des activités économiques polluantes vers des territoires aux régulations plus souples. Le risque est de déplacer les émissions plutôt que de les réduire à l'échelle mondiale, ce qui limite l'efficacité réelle des marchés de carbone.

Les marchés de carbone peuvent stimuler l'économie locale en favorisant la création d'emplois verts et durables, notamment dans les énergies renouvelables, la gestion forestière durable ou les nouvelles technologies propres. Toutefois, certains secteurs industriels confrontés à des coûts énergétiques plus élevés peuvent rencontrer des difficultés économiques à court terme.

Oui, certains experts soulignent le risque que les marchés de carbone puissent donner lieu à des phénomènes spéculatifs. Sans garde-fous appropriés, des traders peuvent acheter de grandes quantités de crédits afin de parier sur l'évolution future de leur prix, entraînant une volatilité accrue des prix des quotas et une possible déconnexion par rapport à leur objectif environnemental initial.

Face au constat du manque d'ambition, certains gouvernements revoient périodiquement leurs objectifs à la hausse, resserrent les quotas d'émissions autorisées, ou ajoutent des mesures complémentaires comme une taxe carbone complémentaire. Ces ajustements permettent d'accroître l'efficacité environnementale du dispositif.

Le marché réglementé est institué par les autorités publiques et impose des obligations de réduction des émissions aux entreprises concernées, par exemple le système EU ETS en Europe. Le marché volontaire n'est pas contraignant, et les entreprises ou individus choisissent librement d'acheter des crédits carbone dans une démarche de responsabilité environnementale ou de communication.

Économie Verte : Marchés de Carbone

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